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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/75

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qui n’avoit vu de monde qu’en Bretagne, fût en si peu de temps au fait aux manières, à l’esprit, au langage de la cour ; elle devint un des meilleurs conseils qu’on pût trouver pour s’y bien gouverner. Aussi y fut-elle dans tous les temps d’un grand secours à son mari, qui tant qu’il la crut n’y fit jamais de fautes, et ne se trompa en ce genre que lorsqu’il s’écarta de ses avis. Avec tout cela elle avoit trop longtemps trempé dans la bourgeoisie pour qu’il ne lui en restât pas quelque petite odeur. Elle avoit naturellement une galanterie dans l’esprit raffinée, charmante, et une libéralité si noble, si simple, si coulant de source, si fort accompagnée de grâces qu’il étoit impossible de s’en défendre. Personne ne s’entendoit si parfaitement à donner des fêtes. Elle en avoit tout le goût et toute l’invention, et avec somptuosité et au dehors et au dedans, mais elle n’en donnoit qu’avec raisons et bien à propos, et tout cela avec un air simple, tranquille et sans jamais sortir de son âge, de sa place, de son état, de sa modestie. La plus secourable parente, l’amie la plus solide, la plus effective, la plus utile, la meilleure en tous points et la plus sûre. Délicieuse à la campagne et en liberté ; dangereuse à table pour la prolonger, pour se connoître en bonne chère sans presque y tâter, et pour faire crever ses convives ; quelquefois fort plaisante sans jamais rien de déplacé ; toujours gaie quoique quelquefois elle ne fût pas exempte d’humeur. La vertu et la piété la plus éclairée et la plus solide, qu’elle avoit eue toute sa vie, crût toujours avec la fortune. Ce qu’elle donnoit de pensions avec discernement, ce qu’elle marioit de pauvres filles, ce qu’elle en faisoit de religieuses, mais seulement quand elle s’étoit bien assurée de leur vocation, ce qu’elle en déroboit aux occasions, ce qu’elle mettoit de gens avec choix et discernement en état de subsister, ne se peut nombrer.

Sa charité mérite ce petit détail : sortant un dimanche de la grand’messe de la paroisse de Versailles avec Mme de Saint-Simon, elle s’amusa en chemin. Mme de Saint-Simon,