Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/11

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du roi, elle se flatta de trouver encore des ressources dans une cour qu’elle avoit si longuement domptée. Ce fut de Saint-Jean de Luz qu’elle dépêcha un courrier chargé de lettres pour le roi, pour Mme de Maintenon, pour ses amis. Elle y rendit brièvement compte du coup de foudre qu’elle venoit d’essuyer, et demandoit la permission de venir à la cour pour y rendre compte plus en détail. Elle attendit le retour de son courrier en ce premier lieu de liberté et de repos, qui par lui-même est fort agréable. Mais ce premier courrier parti, elle le fit suivre par Lanti chargé de lettres écrites moins à la hâte et d’instructions, qui vit le roi dans son cabinet à Versailles le dernier janvier, avec lequel il ne demeura que quelques moments. On sut par lui que, dès que Mme des Ursins eut dépêché son premier courrier, elle avoit envoyé à Bayonne faire des compliments à la reine douairière d’Espagne, qui ne voulut pas les recevoir. Que de cruelles mortifications à la chute du trône ! Revenons maintenant à Guadalaxara.

L’officier des gardes que la reine y dépêcha avec une lettre pour le roi d’Espagne, dès que la princesse des Ursins fut hors de Quadraqué, trouva le roi qui s’alloit bientôt coucher. Il parut ému, fit une courte réponse à la reine, et ne donna aucun ordre. L’officier repartit sur-le-champ. Le singulier est que le secret fut si bien gardé qu’il ne transpira que le lendemain sur les dix heures du matin. On peut penser quelle émotion saisit toute la cour, et les divers mouvements de tout ce qui se trouva à Guadalaxara. Personne toutefois n’osa parler au roi, et on étoit en grande attente de ce que contenoit sa réponse à la reine. La matinée achevant de s’écouler sans qu’on ouït parler de rien, on commença à se persuader que c’en étoit fait de Mme des Ursins pour l’Espagne. Chalois et Lanti se hasardèrent de demander au roi la permission de l’aller trouver, et de l’accompagner dans l’abandon où elle étoit ; non seulement il le leur permit, mais il les chargea d’une lettre de simple honnêteté par