Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/21

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de l’Académie des inscriptions, étoient au bas du trône, l’un pour en faire le tableau, l’autre la relation. Pontchartrain n’avoit rien oublié pour flatter le roi, lui faire accroire que cette ambassade ramenoit l’apogée de son ancienne gloire, en un mot le jouer impudemment pour lui plaire.

Personne déjà n’en étoit plus la dupe que ce monarque. L’ambassadeur arriva par le grand escalier des ambassadeurs, traversa le grand appartement, et entra dans la galerie par le salon opposé à celui contre lequel le trône étoit adossé. La splendeur du spectacle acheva de le déconcerter. Il se fâcha une fois ou deux pendant l’audience contre son interprète, et fit soupçonner qu’il entendoit un peu le françois. Au sortir de l’audience, il fut traité à dîner par les officiers du roi, comme on a accoutumé. Il fut ensuite saluer le roi d’aujourd’hui dans l’appartement de la reine qu’on avoit superbement orné, de là voir Pontchartrain et Torcy, où il monta en carrosse pour retourner à Paris. Les présents, aussi peu dignes du roi de Perse que du roi, consistèrent en tout en cent-quatre perles fort médiocres, deux cents turquoises fort vilaines et deux boîtes d’or pleines d’un baume qui est rare, sort d’un rocher renfermé dans un antre, et se congèle un peu par la suite du temps. On le dit merveilleux pour les blessures. Le roi ordonna qu’on ne défit rien dans la galerie ni dans le grand appartement. Il avoit résolu de donner l’audience de congé dans le même lieu et avec la même magnificence qu’il avoit donné cette première audience à ce prétendu ambassadeur. Il eut pour commissaires Torcy, Pontchartrain et Desmarets, dont Pontchartrain se trouva fort embarrassé.

Le grand maître de Malte, persuadé que les Turcs alloient attaquer son île, fit faire aux chevaliers les citations pour s’y rendre. Il envoya des vaisseaux à Marseille, tant pour les passer que pour lui en apporter force munitions de guerre et de bouche. Le grand prieur, qui faisoit toujours son séjour à Lyon, fit demander au roi la permission de