Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/312

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seroit aussi chargée, et qu’elle pouvoit se rassurer là-dessus. — Mais, monsieur, reprit-elle, m’en voudriez-vous bien donner vôtre parole, au moins me promettre de faire ce qui sera en vous pour que MM. les pairs ne fassent rien ce jour-là contre le rang de mes frères ? — Oui, madame, lui dis-je, du dernier s’entend, car je ne suis pas le maître de mes égaux, comme vous le pouvez bien penser, mais de les détourner autant qu’il me sera possible à cet égard, et je m’y engage d’autant plus librement que je ne vois pas qu’ils y pensent. Mais tout d’un temps, madame, puisque Votre Altesse Royale me force à lui parler sur un article si délicat, qu’elle prenne garde aux princes du sang ; c’est leur affaire plus que la nôtre depuis l’habilité à la couronne, le nom et la qualité et totalité en tout de princes du sang donnée à MM. vos frères et à leur postérité, et tenez-vous au moins pour avertie que si les princes du sang les attaquent, dans l’instant même nous revendiquerons notre rang à ce qu’il n’y ait personne dans l’intervalle entre les princes du sang et nous, et que tous soient comme nous dans leur rang de pairie. »

Cette déclaration, si amère en soi pour Mme la duchesse d’Orléans, passa le plus doucement du monde au moyen du répit que je lui promettois, et du mépris qu’il lui plaisoit faire de jeunes princes du sang et de Mmes leurs mères. Elle me remercia même fort honnêtement, et avec des marques d’amitié et de confiance. Elle me craignoit étrangement sur ce point de ses frères qu’elle nomma toujours ainsi, sans oser jamais proférer en cette occasion le nom du duc du Maine, qui en avoit encore plus de peur, et qui sûrement n’avoit pas oublié la dernière visite qu’il avoit reçue de moi, en conséquence de laquelle je m’étois conduit depuis à son égard sans mesure. Ma promptitude à répondre à Mme la duchesse d’Orléans ne me coûta guère. Il n’y avoit pas moyen d’attaquer les bâtards et le bonnet tout à la fois, et de détourner les affaires de l’État à des intérêts personnels