Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/329

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qui fut visible à tout ce qui s’y trouva, en faire les honneurs à M. le duc d’Orléans, qui se contenta de lui répondre qu’il n’étoit venu que comme capitaine de gendarmerie, qui n’accepta rien, et qui s’en retourna après avoir vu ses compagnies, et avoir salué Mgr le Dauphin à leur tête. La gendarmerie fut aussitôt après renvoyée dans ses quartiers. Ce fut là où M. le duc d’Orléans et le duc du Maine sentirent les prémices de ce qui les attendoit. Tout y courut au premier, et laissa l’autre qui en demeura confondu ; les troupes mêmes furent frappées du contraste. Le public s’en expliqua durement et librement, et trouva que cette fonction étoit due à M. le duc d’Orléans, si [elle devoit être faite] par un prince, ou par un maréchal de France, ou un officier général distingué pour en rendre simplement compte au roi.

Je me donnai en miniature de particulier le plaisir que M. le duc d’Orléans n’avoit osé prendre en prochain régent du royaume. J’allai voir Pontchartrain chez qui je n’allois presque jamais, et j’y tombai comme une bombe, chose toujours plus triste et plus fâcheuse pour la bombe que pour ceux qui la reçoivent, mais qui pour cette fois ne le fut que pour la compagnie, et me fit un double plaisir. Les ministres étoient fort en peine de leur sort. La terreur du roi les retenoit encore, aucun d’eux n’avoit osé se tourner vers M. le duc d’Orléans ; la vigilance du duc du Maine et la frayeur de Mme de Maintenon les tenoit de court, parce qu’il restoit encore assez de vie au roi pour les chasser, et qu’ils n’auroient pu en ce cas se flatter d’être regardés par M. le duc d’Orléans comme ses martyrs, mais seulement comme martyrs de leur tardive politique. Je voulus donc jouir de l’embarras de Pontchartrain, et me donner le plaisir de me jouer à mon tour de ce détestable cyclope.

Je le trouvai enfermé avec Besons et d’Effiat, mais ses gens, après un instant d’incertitude, n’osèrent me refuser sa porte. J’entrai donc dans son cabinet, où le premier coup d’œil m’offrit trois hommes assis si proche les uns des