Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/360

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d’un an à me laisser vaincre par l’horreur du raccommodement. Enfin, pour abréger matière, dès que j’eus consenti, tout fut bientôt fait. Chauvelin, président à mortier, depuis garde des sceaux, etc., étoit le conducteur des affaires de la maréchale de Grammont. Il me courtisoit depuis plusieurs années. Dès qu’il sut que je m’étois enfin rendu, car jusque-là il n’avoit osé m’en parler directement, il dit que la maréchale de Grammont ne pouvoit entrer en rien pendant la vie de son gendre, mais qu’il se chargeoit de tout ; et en effet tout fut réglé entre Mme de Saint-Simon et lui, se faisant fort l’un et l’autre de n’être pas dédits. Dans le peu que cela dura de la sorte, le cardinal de Noailles m’en parloit sans cesse, et la maréchale de Grammont et sa fille ne négligeoient aucune occasion de courtiser tout ce qui tenoit intimement à nous. Le premier article fut un raccommodement entre le duc de Noailles et moi. J’y prescrivis qu’il ne s’y parleroit de rien, ni en aucun temps, et qu’on n’exigeroit de moi rien de plus que la bienséance commune ; on ne disputa sur rien.

Il arriva qu’une après-dînée j’allai par hasard à l’hôtel de Lauzun, où je trouvai Mme de Bournonville qui jouoit à l’hombre, amenée et gardée par Mme de Beaumanoir, qui logeoit avec sa sœur la maréchale de Grammont. Un peu après on vint demander Mme de Beaumanoir, qui sortit et rentra aussitôt, parla bas à Mme de Lauzun, et me regarda en riant. Elle dit après à sa nièce qu’il falloit demander permission de quitter le jeu, et, à demi bas, aller voir M. de Bournonville qui logeoit chez la duchesse de Duras, sa sœur, depuis longtemps, et qui venoit de se trouver fort mal. Cela arrivoit quelquefois, et ces sortes de longues maladies font qu’on ne les croit jamais à leur fin. J’allai le soir à l’archevêché ; j’y trouvai la maréchale de Grammont et Mme de Beaumanoir qui avoit ramené et laissé sa nièce, qui parla de M. de Bournonville comme d’un homme qui pouvoit durer longtemps. Le cardinal et elle, après une légère préface