Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/363

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du mariage, et en donner part après à ceux de nos plus proches ou de nos plus particuliers amis qui y étoient, avant de la donner en forme. Tout en arrivant, il trouva le duc de Chaulnes dans un des petits salons, à qui il le dit à l’oreille. « Cela ne peut pas être, » lui répondit-il, et ne voulut jamais le croire, quoique mon fils lui expliquât qu’il avoit vu le cardinal de Noailles, la maréchale de Grammont, etc. C’est qu’il comptoit son affaire sûre pour son fils par Mme de Mortemart, amie intime de tout temps et de gnose de la maréchale de Grammont, qui lui en avoit fort parlé et qui l’avoit laissée espérer sans s’ouvrir, sur la raison de ne le pas pouvoir pendant la vie de M. de Bournonville. En trois ou quatre jours tout fut signé et passa par Chauvelin. La duchesse de Duras trouva fort bon qu’on n’eût point attendu, et qu’on fit incessamment le mariage. Mais comme il pouvoit en arriver une grossesse prompte, tout ce qui fut consulté de part et d’autre fut d’avis de différer de trois ou quatre mois, quoique M. de Bournonville n’eût jamais été en état d’être avec sa femme, et qu’il n’y logeât plus même depuis deux ou trois ans.

Tout alloit bien jusque-là. Jamais tant d’empressement ni de marques de joie, et c’en fut une toute particulière que la visite dont j’ai parlé, parce que c’est à la famille du mari futur à aller chez l’autre famille la première. Tout cela fait, il fut question du raccommodement. Le président Chauvelin me fit pour le duc de Noailles les plus beaux compliments du monde, et me pressa de sa part et de celle du cardinal, de la maréchale de Noailles, de lui permettre de venir chez moi. La crainte d’une visite à laquelle je ne pourrois mettre une fin aussi prompte que je le voudrois m’empêcha d’y consentir, et je voulus si fermement que nous nous vissions chez le cardinal de Noailles qu’il en fallut passer par là. Ce fut où je m’en tins, sans dire si ni qui je voulois bien qu’il s’y trouvât, et sans qu’on m’en parlât non plus. Le duc de Noailles, qui sortoit de quartier, vint donc à Paris pour le