Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/366

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duquel elle m’avoit parlé à la fin de son propos, mais que je ne voulois point du duc de Noailles à la Ferté, quand même elle devroit le lui mander. Je n’avois garde de souffrir que par ce voyage il se parât d’un renouvellement de liaison avec moi, moins encore de m’exposer à des tête-à-tête avec lui, que les matinées et les promenades fournissent à qui a résolu d’en profiter, et qui ne se peuvent éviter, dont il eût pu après dire et publier tout ce qui ne se seroit ni dit ni traité entre nous, mais qu’il lui eût convenu de répandre, ce qui m’avoit fait avoir grand soin, toutes les fois qu’il m’avoit trouvé chez moi, de prier, dès qu’on l’annonçoit, ce qu’il s’y rencontroit de demeurer et de ne s’en aller qu’après lui. Il a persévéré longtemps encore à tâcher de me rapprivoiser. À la fin le peu de succès l’a lassé, et ma persévérance sèche, froide et précise aux simples devoirs d’indispensable bienséance, m’a délivré, et l’a réduit au même point avec moi. Dieu commande de pardonner, mais non de s’abandonner soi-même, et de se livrer après une expérience aussi cruelle. Le monde a vu et connu depuis quel homme il est, et ce qu’il a été dans la cour, dans le conseil et à la tête des armées.

Retournons maintenant d’où nous sommes partis, qui est au jeudi 22 août, remarquable par la revue de la gendarmerie faite au nom et avec toute l’autorité du roi par le duc du Maine, pendant laquelle le roi s’amusa à vouloir choisir l’habit qu’il prendroit lorsqu’il pourroit s’habiller.