Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/484

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Mazarin pendant les années 1653, 1654 et 1655. On trouvera aussi, à la suite, deux lettres de Mazarin, où perce un sentiment de jalousie et de mécontentement qui justifie parfaitement la phrase de Saint-Simon. Ces documents mettront sur la voie d’une solution probable ; mais, avant de se prononcer, il sera utile d’en rassembler encore beaucoup d’autres enfouis dans les archives et les bibliothèques.

Mazarin, qui étoit rentré en France à la fin de l’année 1652, eut la coquetterie de se faire attendre quelque temps. Il alla rejoindre le maréchal de Turenne, qui prit plusieurs places sur la frontière septentrionale de la France. Cette campagne se prolongea pendant le mois de janvier 1653. Anne d’Autriche écrivit à cette époque plusieurs lettres au cardinal [1].

« 9 janvier 1653.

« Votre lettre que j’ai reçue du 24 [décembre 1652] m’a mise bien en peine, puisque 15 [2] a fait une chose que vous ne souhaitiez pas ; mais vous pouvez être assuré que ce n’a pas été à intention de vous déplaire…. 15 n’a ni n’est capable d’avoir d’autres desseins que ceux de plaire à 16 [3] ; et 15 (la reine) ne sera point en repos qu’il ne sache que 16 (Mazarin) n’a pas trouvé mauvais ce qu’il a fait, puisque non seulement il ne voudroit pas lui déplaire en effet, mais seulement de la pensée qui n’est employée guère qu’à songer à la chose du monde qui est la plus chère à qui est [4]. »

Comme l’absence de Mazarin se prolongeoit, la reine lui écrit la lettre suivante où perce autre chose que de l’impatience :

« 26 janvier 1653.

« Je ne sais plus quand je dois attendre votre retour, puisqu’il se présente tous les jours des obstacles pour l’empêcher. Tout ce que je vous puis dire est que je m’en ennuie fort et que je supporte ce retardement avec beaucoup d’impatience, et si 16 (Mazarin) savoit tout ce que je souffre sur ce sujet, je suis assuré qu’il en seroit touché. Je le suis si fort [touchée] en ce moment que je n’ai pas la force d’écrire longtemps ni ne sais pas trop bien ce que je dis. J’ai reçu vos lettres tous les jours, et sans cela je ne sais ce qui arriveroit. Continuez à m’en écrire aussi souvent, puisque vous me donnez du soulagement en l’état où je suis. jusques au dernier soupir. Adieu je n’en puis plus lui sait bien de quoi. »

« 29 janvier 1653.

« Je viens de recevoir de vos lettres du 21 [janvier], en quoi vous

  1. L’orthographe, qui est tout à fait irrégulière, a été modifiée.
  2. Ce chiffre désigne probablement la reine elle-même.
  3. Mazarin.
  4. Ces signes et d’autres que l’on trouve très souvent dans les lettres de la reine à Mazarin ont été considérés comme des symboles d’amour. On pourrait dans cette lettre interpréter la dernière phrase ainsi : la chose du monde qui est la plus chère à la reine qui est Mazarin. Mais toutes ces explications sont fort incertaines.