Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/503

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la populace, il fut impossible d’empêcher qu’il n’entendît les imprécations que l’on faisoit partout contre lui. Ce qu’il supporta avec beaucoup de courage et de résolution.

« On le mit dans la première chambre du donjon du château que l’on meubla avec tous les cabinets qui l’accompagnent de meubles qu’on avoit tirés de sa maison de Saint-Mandé. L’on enferma avec lui les sieurs Pecquet et Lavallée. Le sieur Talois, avec vingt-quatre mousquetaires, fut chargé de garder le dedans, et le sieur de Marsac, lieutenant au gouvernement de Vincennes, et capitaine-lieutenant de la compagnie des petits mousquetaires, fut chargé de la garde des dehors. Mais ne s’étant pu accommoder sur l’exécution de leurs ordres, le roi prit résolution de remettre la garde du prisonnier au sieur d’Artagnan, et lui en donna les ordres le 3 janvier 1662.

« Le lendemain, le sieur d’Artagnan s’étant rendu au donjon du château de Vincennes, sur les quatre heures du matin, avec cinquante mousquetaires de sa compagnie, deux maréchaux des logis et le sieur Bertaud, le sieur de Marsac lui remit la place entre les mains ; M. Talois remit aussi la personne de M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre. Depuis ce temps, jusques au jugement du procès de M. Fouquet, le sieur d’Artagnan a continué cette garde avec tant d’exactitude que lui seul entroit dans la chambre de M. Fouquet. Il lui portoit toutes les choses nécessaires, sans souffrir que tout autre que lui eût communication avec M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre. Et cela fit que M. Fouquet, qui avoit témoigné beaucoup d’inquiétude et de curiosité pendant les premiers jours de sa détention, se voyant si bien renfermé et si soigneusement gardé, perdit l’espérance de recevoir des nouvelles de ce qui se passoit au dehors, et ne pensant plus qu’à soi-même, on ne l’entendit plus parler que du mépris des vanités du monde et du bon usage qu’il feroit de son affliction, s’il plaisoit au roi de le reléguer en quelque lieu aux extrémités du royaume. »


VII. LE TELLIER ET SON FILS LOUVOIS.
Page 408.

Le maréchal de camp Saint-Hilaire, fils du général qui eut le bras emporté par le boulet qui tua Turenne, a laissé sur le règne de Louis XIV des Mémoires trop peu consultés. Ces Mémoires, qui ont