Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/90

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promptement chez lui, passant sa journée en exercices de piété, en bonnes œuvres, et à prendre l’air à pied ou à cheval. On ne peut faire une fin plus digne, plus sage ni plus chrétienne ; c’étoit aussi un fort honnête homme.

En ce même temps la persécution étoit extrême en Angleterre contre les principaux torys, surtout contre les ministres de la reine Anne, et tous ceux qui avoient eu part à sa paix. On en a déjà parlé ailleurs. Le comte d’Oxford, qui avoit été grand trésorier, et dont la cour vouloit avoir la tête, se défendit si puissamment lui-même à la barre du parlement, et en même temps si noblement, que, contre toute espérance, il se tira d’affaire. Le duc d’Ormond, non moins menacé, se trouva investi dans sa maison de Richemont près de Londres. Il se sauva, passa en France, et arriva en ce temps-ci à Paris.

L’état du roi, dont la santé baissoit à vue d’œil, fit peur à la princesse des Ursins de se trouver peut-être tout à coup sous la main de M. le duc d’Orléans. Elle songea donc tout de bon à s’y dérober, sans savoir néanmoins encore où elle fixeroit sa demeure, et fit demander au roi la permission de venir prendre congé de lui à Marly. Elle y vint de Paris le mardi 6 août, mesurée pour arriver à l’heure de la sortie du dîner du roi, c’est-à-dire sur les deux heures. Elle fut aussitôt admise dans le cabinet du roi, avec qui elle demeura plus d’une bonne demi-heure tête à tête. Elle passa tout de suite dans celui de Mme de Maintenon, avec qui elle fut une heure, et de là s’en alla monter en carrosse pour s’en retourner à Paris. Je ne sus qu’elle prenoit congé que par son arrivée à Marly, où j’étois en peine de la pouvoir rencontrer. Le hasard fit que je m’avisai d’aller chercher son carrosse pour m’informer à ses gens de ce qu’elle devenoit dans Marly, et un autre hasard l’y fit arriver en chaise comme je leur parlois. Elle me parut fort aise de me rencontrer, et me fit monter avec elle dans son carrosse, où