Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/10

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à la fin. Une fois en trois ans un court voyage à Marly, jamais d’aucun particulier avec le roi, même avec d’autres dames ; l’unisson soigneusement gardé avec tout le reste de la cour. Elle y étoit presque toujours, et souvent au souper du roi, où il ne la distingua jamais en rien. Telle étoit la convention avec Mme de Maintenon, qui de son côté contribua en récompense à tout ce qu’elle put désirer. Le mari, qui l’a survécue de quelques années, presque jamais à la cour, et des moments, vivoit obscur à Paris, enterré dans le soin de ses affaires domestiques qu’il entendoit parfaitement, s’applaudissant du bon sens qui, de concert avec sa femme, l’avoit porté à tant de richesses, d’établissements et de grandeurs, sous les rideaux de gaze qui demeurèrent rideaux, mais qui ne furent rien moins qu’impénétrables.

Il ne faut pas oublier la belle Ludre [1], demoiselle de Lorraine, fille d’honneur de Madame, qui fut aimée un moment à découvert. Mais cet amour passa avec la rapidité d’un éclair, et l’amour de Mme de Montespan demeura le triomphant.

Il faut passer à un autre genre d’amour, qui n’étonna pas moins toutes les nations que celui-ci les avoit scandalisées, et que le roi emporta tout entier au tombeau. À ce peu de mots qui ne reconnoîtroit la célèbre Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, dont le règne permanent n’a pas duré moins de trente-deux ans. Née dans les îles de l’Amérique où son père, peut-être gentilhomme, étoit allé avec sa mère chercher du pain, et que l’obscurité y a étouffés, revenue seule et au hasard en France, abordée à la Rochelle, recueillie au voisinage par pitié chez Mme de Neuillant, mère de la maréchale-duchesse de Navailles, réduite par sa pauvreté et par l’avarice de cette vieille dame à garder les clefs de son grenier et à voir mesurer tous les

  1. Voy., sur cette dame, la lettre de Mme de Sévigné, du 11 juin 1677 et les lettres suivantes.