Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/201

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plus au dehors : haineux en dessous et implacable, l’aîné glissant aisément et pardonnant par tempérament ; tous deux solides en tout, marchant d’un pas égal à la grandeur, au commandement, à la pleine domination, aux richesses, à surmonter tout obstacle, en un mot, à régner sur le plus de créatures qu’ils s’appliquèrent sans relâche à se dévouer, et à dominer despotiquement sur gens, choses et pays que leurs emplois leur soumirent, et à gouverner généraux, seigneurs, magistrats, ministres dont ils pouvoient avoir besoin, toutes parties en quoi ils réussirent et excellèrent jusqu’à arriver à leurs fins par les puissances qui les craignoient et qui même les haïssaient. C’est ce qui se verra par la suite, et qui s’est vu encore mieux au delà du temps de l’étendue que je puis donner à ces Mémoires.

Ils se trouvoient cousins germains des ducs de Charost et de Lévi, issus de germains de la comtesse d’Harcourt, mère de M. de Guise et des duchesses de Bouillon et de Richelieu, cousins germains de MM. de Crussol-Montsalez. Leur mère étoit une femme qui avoit plus d’esprit qu’elle n’en paraissoit, et encore plus de sens, avec beaucoup de douceur et de modestie. Elle et son mari vécurent toujours intimement ; et leurs enfants leur furent toujours entièrement attachés. M. de Lévi, qui au fond étoit bon homme, eut pitié de sa tante ; Mme de Lévi encore plus. L’un et l’autre la prirent en amitié, et par elle sa famille. Cette affection alla toujours croissant, en sorte que Mme de Lévi, qui étoit vive et ardente, se seroit mise au feu pour eux. Le duc de Charost ne fut pas moins échauffé pour eux. On a vu souvent dans quelle liaison Mme de Saint-Simon et moi vivions avec lui et avec Mme de Lévi, et c’est ce qui la forma entre les Belle-Ile et nous, qui de là devint après directe. L’aîné avoit épousé une Durfort-Sivrac, avec qui ils vécurent tous à merveilles et avec une patience surprenante. C’étoit une manière de folle, qui mourut, heureusement pour eux, et n’eut point d’enfants.