Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/272

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Paris, il étoit plus sur les chemins qu’ailleurs. C’est lui le premier qui a mis les valets sur le pied de la parure, de la familiarité, de l’insolence, des gros gains, en gâtant les siens, contagion qui, à son exemple, a de l’un à l’autre gâté une infinité de maisons. Lui et ses frères étoient les rois de la canaille. Ils étoient familiers avec elle, ils connoissoient les valets de tout le monde, ils savoient leurs gages, leurs profits, leurs jalousies, leurs débats, pourquoi chassés, pourquoi pris et sur quel pied ; en plaçoient, les protégeoient, et par là sottement adorés du vulgaire et des marchands et artisans qu’ils payoient en amitiés, en services et en compliments, et qu’ils satisfaisoient tellement de la sorte qu’ils avoient crédit et leur amitié, et encore celle de leurs pareils.

Quoique le comte et la comtesse de Roucy n’eussent jamais un poulet chez eux, et que l’un et l’autre mangeassent toujours où ils pouvoient, ils n’en étoient pas mieux dans leurs affaires, avec un gros revenu et de belles terres. Tous deux rogues et glorieux à l’excès, tous deux bas jusqu’au servage devant les ministres et toute faveur, ils avoient vécu de ce qu’on appelle faire des affaires tant que Barbezieux avoit existé, dont le comte de Roucy étoit le complaisant abject, et depuis, de celles qu’à force de souplesses, de bassesses, de tourments, la femme, encore plus âpre et assidue que le mari, pouvoit tirer de Pontchartrain, qui se plaisoit à les faire acheter bien cher. Son père étoit désolé de tout ce qui se passoit là-dessus, s’en échappoit quelquefois, et ne se contraignoit pas de montrer à la comtesse de Roucy et à Mme de Blansac qu’elles lui étoient insupportables. Elles remboursoient tout cela sans rien dire, et alloient toujours leur train.

L’aigreur et l’orgueil de la comtesse de Roucy lui attiroient tous les jours des querelles où les injures lui coûtoient peu, le plus souvent avec d’autres dames du palais pour leur service, avec qui souvent Mme de Saint-Simon étoit employée à la raccommoder, et si entreprenante qu’on