Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et de la place de confesseur du roi, où Rome et les jésuites avoient eu l’art de le faire revenir, comme le plus habile instrument qu’ils pussent avoir en cette cour, où il étoit le confident et le correspondant secret et immédiat du pape.

Albéroni en même temps travailloit à réformer les dépenses des maisons royales, des conseils, des tribunaux, et celle qui étoit destinée au payement des pensions et des grâces. Il se plaignoit que les gages des officiers étoient montés au quadruple depuis que Philippe étoit en Espagne. Cela le rendoit fort odieux ; mais il regardoit une puissante marine comme le fondement de la puissance solide de l’Espagne, et il avoit raison. Il cherchoit donc à ramasser de tous côtés des fonds pour parvenir à un but si nécessaire, et il flattoit le roi d’Espagne de lui armer quarante vaisseaux, pour l’année prochaine, en état d’assurer le commerce des Indes espagnoles. Il avoit l’adresse de vanter son désintéressement, en ce que travaillant à toutes les affaires, et à beaucoup encore de secrètes par la confiance du roi et de la reine, il n’en avoit pas encore reçu la moindre grâce, et ne vivoit que des cinquante pistoles que le duc de Parme, son maître, lui donnoit tous les mois, et en même temps laissoit échapper doucement quelques plaintes de l’ingratitude des princes.

Il continuoit à donner tous les dégoûts possibles au cardinal del Giudice, qui avoit la direction des affaires étrangères qu’Albéroni lui enlevoit toutes, et le traversoit sur ce qui regardoit l’éducation du prince des Asturies, dont ce cardinal étoit le gouverneur. Les choses allèrent si loin que le cardinal et lui se querellèrent, et entrèrent tous deux chez le roi pour lui porter leurs plaintes. Ni l’un ni l’autre pour lors n’eurent l’avantage. Albéroni s’en prit au P. Daubenton, et il en résulta que Miraval, ambassadeur en Hollande, eut ordre de revenir pour remplir la place vacante de gouverneur du conseil de Castille, dans lequel il avoit passé sa vie. C’étoit un grand homme, froid, très médiocre