Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/303

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ambassadeur, et d’inclination autrichienne. J’aurai occasion d’en parler ailleurs.

Albéroni, jaloux de tout ce qui pouvoit aborder la reine, étoit fort affligé de l’arrivée de sa nourrice, qu’elle avoit fait venir d’Italie. Il éloigna d’elle le duc de La Mirandole, qui avoit l’honneur de lui appartenir, et qui avoit pensé l’épouser. Il étoit grand écuyer du roi, et, comme on l’a vu ailleurs, fils du premier lit de la femme du prince de Cellamare, et lié, par conséquent, avec le cardinal del Giudice. Non content de porter des coups à ce dernier auprès du roi d’Espagne, qui portèrent jusque contre le prince des Asturies, parce qu’il s’étoit attaché à son gouverneur, Albéroni chercha à le rendre suspect au pape sur les différends avec le roi d’Espagne, pour avoir seul le mérite d’y servir Rome, dans sa vue du cardinalat et de brouiller Giudice partout ; il ne cherchoit qu’à le réduire à force d’embarras et de dégoûts à lui quitter la partie et a se retirer en Italie.

La signature du traité de la Barrière entre l’empereur et les États généraux, après beaucoup de longueurs et de difficultés, fit naître divers soupçons. Le roi Georges comptoit entièrement sur la cour de Vienne, et beaucoup moins sur M. le duc d’Orléans que lors de la mort du roi. Il le crut dans les intérêts du Prétendant, et la cour d’Espagne, qui s’étoit refroidie sur lui, lui fit compter cent mille écus, avec espérance de plus grands secours, dans la crainte qu’elle conçut de la liaison étroite entre l’empereur et le roi d’Angleterre. On conçut aussi en France des soupçons de quelques projets de ligue entre l’Espagne et les États généraux, dont le ministre à Madrid étoit traité avec une grande distinction, et qui étoit tout à fait entré dans la confidence d’Albéroni. C’étoit ce même Riperda qui succéda immédiatement à Albéroni, lorsqu’il fut chassé d’Espagne. Le duc de Saint-Aignan eut ordre d’en parler à cet abbé, de s’expliquer même sur les sujets d’inquiétude, de lui offrir les mêmes secours et le même nombre de vaisseaux qu’il prétendoit