Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/378

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ni intérêt véritable ne divisoit, dont trois choses confirmoient l’évidence : l’exemple de la maison d’Autriche qui n’avoit bâti cette formidable grandeur, si longtemps près de la monarchie universelle, que par l’union de ses deux branches que nul effort n’avoit jamais pu séparer ; l’extrême frayeur conçue par toute l’Europe d’un fils de France devenu roi d’Espagne, cause unique de la dernière guerre qui a tant coûté à toutes ses puissances ; enfin l’avantage infini à tirer pour cette union et pour la mutuelle grandeur de la contiguïté des terres et des mers des deux monarchies qui leur procure réciproquement des facilités que la nature avoit refusées aux deux branches d’Autriche, dont elles auroient bien su grandement profiter ; que la politique de cette habile maison devoit être en ce point le modèle de la notre, et le pôle dont rien, pour spécieux qu’il fût, ne nous devoit faire perdre la vue la plus fixe ; que cette maxime posée, il falloit compter sur deux choses, et se raidir contre toutes les deux fort diversement, l’une les brouillards d’intérêts particuliers des personnages de cette cour et de celle de Madrid, les fantaisies du roi et de la reine d’Espagne, les travers de leur ministère qu’il falloit esquiver, flatter, cajoler ; surtout ne se jamais fâcher ; faire revenir à raison avec patience, douceur, amitié ; captiver ces têtes qui influoient ; se persuader que les cours de Vienne et de Madrid s’étoient souvent donné réciproquement les mêmes embarras domestiques sans qu’ils aient jamais éclaté ni qu’ils les aient refroidies l’une pour l’autre en ce qui étoit affaires ; que nous ne devons pas moins faire qu’elles à cet égard, ni en espérer un moindre succès ; enfin, imiter la sagesse des familles particulières, qui ont leurs humeurs, leurs dépits, leurs défauts, mais qui n’en laissent rien apercevoir au dehors, et qui présentent toujours à l’opinion publique une union qui fait leur force, leur crédit, leur considération ; l’autre qu’il falloit se bien attendre à tous les ressorts que la politique des autres puissances ne se lasseroit