Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/395

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poids qui l’accabloit, et que sa jalousie ne lui en permettoit pas le partage ni même le soulagement. Il falloit exécuter la réforme projetée ; il en craignoit le moment et les cris qu’elle exciteroit contre lui. Il éloigna les officiers de Madrid, et engagea le roi à écrire de sa main tout le plan de la réforme, pour lui donner, disoit-il, plus de poids, en effet, s’il l’eut pu, pour se cacher et la faire passer pour son ouvrage. Elle parut à la fin de janvier, et souleva non seulement les intéressés, mais leurs parents et leurs amis.

Le duc de Popoli, capitaine de la compagnie des gardes du corps italienne, parle fortement en faveur des deux compagnies des gardes du corps réformées, et des officiers qu’on réformoit dans les deux que l’on conservoit. Le duc d’Havré, colonel du régiment des gardes wallonnes, en avoit [fait] autant sur les bataillons qu’on en réformoit ; et ces deux seigneurs avoient déclaré au roi d’Espagne que, en conservant une aussi foible garde, il les mettoit hors d’état de pouvoir répondre de sa personne, et le marquis de Bedmar, chargé des affaires de la guerre, les avoit fort soutenus, et le prince Pio cria tant qu’il put de Barcelone, où il commandoit en Catalogne. Il est pourtant vrai que les Espagnols, qui n’avoient jamais vu de compagnies ni de régiments des gardes à leurs rois avant celui-ci, et qui étoient fâchés de le voir armé et par là plus autorisé, avoient habilement flatté l’épargne d’Albéroni pour le confirmer à faire cette réforme. Le duc d’Arcos et le marquis de Mejorada en furent les principaux instigateurs. On remarqua plusieurs grands qui ne venoient presque jamais au palais s’y rendre assez fréquemment, n’y parler à pas un étranger : et on s’aperçut que cette faction espagnole mouroit d’envie du rappel des exilés, et de se délivrer de tous ces étrangers, Italiens, Wallons, Irlandois, etc. Ils s’assembloient là-dessus entre eux, et ils entretenoient des correspondances secrètes avec les Espagnols retirés à Vienne, même avec quelques-uns qui entroient dans les conseils de l’empereur.