Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/133

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la différence de position, en ce que l’empereur ne pouvoit, sans troupes et sans vaisseaux pour les transporter, forcer l’Angleterre à lui tenir une garantie que vraisemblablement elle ne promettoit que pour l’honneur du traité ; au lieu que les Provinces-Unies, entourées de troupes impériales, seroient bien forcées de recevoir la loi lorsqu’elles se trouveroient obligées par leurs garanties à fournir leurs secours. Ce ministre ajouta que, si la Hollande ne faisoit que suivre l’exemple de l’Angleterre, l’Espagne n’avoit pas besoin de tenir un ambassadeur près d’eux, que celui qui résidoit à Londres devoit suffire.

Beretti étoit homme d’esprit, mais grand parleur, plein de bonne opinion de lui-même, attentif à se faire valoir des moindres choses, à faire croire en Espagne que personne ne réussissoit plus heureusement que lui en affaires, qu’on traitoit plus volontiers avec lui qu’avec nul autre par la réputation de sa probité, surtout d’en persuader Albéroni, auquel il mandoit que le Pensionnaire n’avoit ni estime ni confiance pour Riperda, ce qui étoit vrai, mais dans la crainte que le premier ministre ne voulût traiter avec cet ambassadeur à Madrid, et par conséquent lui enlever la négociation. Il mandoit que Cadogan, ministre d’Angleterre à la Haye, blâmoit les desseins chimériques de l’empereur, les tenoit contraires aux intérêts de cette couronne, dont les conseils, s’ils étoient écoutés à Vienne, y porteroient à faire une prompte paix avec le roi d’Espagne. Le mécontentement et l’agitation de l’Angleterre persuadoit à Cadogan qu’on y manquoit moins de volonté que de chef et de moyens pour faire une révolution ; que la paix assurée avec la France éteignoit toutes ces espérances et tout péril de rébellion, ce qui pouvoit changer par les démarches que l’empereur, une fois délivré de la guerre du Turc, pourroit faire à l’égard de ses prétentions et porter de nouveau la guerre dans les États du roi d’Espagne. Il paraissoit aussi que, à mesure que le traité avançoit avec la France, le ministère anglois changeoit