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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/134

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de sentiments et de maximes sur les affaires générales de l’Europe.

Cellamare remit dans ce temps-ci au régent la réponse du roi d’Espagne à sa lettre, qu’il avoit voulu faire passer par Aubenton, dont on vient de parler il n’y a pas longtemps. Albéroni, qui l’avoit dictée, faisoit dire au roi d’Espagne que tout ce qui avoit été exécuté à l’égard de Louville s’étoit fait par ses ordres ; et que, pour ce qui étoit d’entretenir un commerce secret de lettres avec lui par la voie de son confesseur, il désiroit que les lettres qu’il vaudroit désormais lui écrire fussent remises à son ambassadeur à Paris. Cette réponse fut un nouveau triomphe pour Albéroni. Il avoit de plus profité de la lettre de M. le duc d’Orléans pour vanter sa probité incorruptible que la France n’avoit pu corrompre ; qu’elle lui avoit fait proposer de demander le payement de la pension de six mille livres, que le feu roi lui avoit autrefois donnée ; c’est-à-dire que M. de Vendôme lui avoit obtenue, dont on murmura bien alors, et les arrérages qui en étoient dus, payement qu’il étoit bien sûr d’obtenir ; que n’ayant pas voulu y entendre, on lui avoit vilainement jeté l’un et l’autre à la tête ; qu’après cette tentative on avoit envoyé Louville à Madrid, avec ordre exprès (quel hardi mensonge !) de ne rien faire que par sa direction, et avec une lettre du régent pour lui ; que sous ces fleurs étoit caché le dessein de remettre auprès du roi d’Espagne un homme insolent, capable de reprendre l’ancien ascendant qu’il avoit eu sur l’esprit du roi d’Espagne, et de le tenir en tutelle, après avoir détruit celui, qui étoit lui-même, que la cour de France regardoit comme le plus grand correctif des cabales. Il se plaignoit après de M. le duc d’Orléans, et plus encore du duc de Noailles à qui il attribuoit tout ce projet, et qu’il disoit avoir suffisamment connu dans des conjonctures critiques ; mais ce ne pouvoit être que du temps qu’il étoit bas valet de M. de Vendôme. Enfin, il prétendoit que les François étoient au désespoir de voir que le roi d’Espagne vouloit