Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/143

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donc trouver un homme sûr et capable de l’informer de tout le détail du projet pour en rapporter ses ordres. Spaar jeta les yeux sur Lenck à qui, de préférence à son propre neveu, il avoit fait donner le régiment d’infanterie qu’il avoit au service de France, quand il y fut fait officier général. Il falloit un prétexte pour ce voyage. Le régent étoit en peine de savoir les intentions du roi de Suède sur la paix du Nord. Spaar lui proposa d’envoyer Lenck en Suède homme sûr et fidèle, et très capable d’obliger le roi de Suède à répondre précisément sur les points dont le régent vouloit être éclairci. La conjoncture pressoit son départ. Les offres d’argent étoient considérables. Spaar apprit d’un des principaux jacobites qu’ils avoient fait passer trente mille pièces de huit en Hollande, c’étoit à la mi-octobre, et qu’il y en arriveroit autant incessamment ; qu’ils offroient ces sommes au roi de Suède en attendant mieux, en peine seulement sur la manière de les lui faire accepter, et des moyens ensuite de [les] faire passer entre ses mains. Spaar leva ces difficultés, déjà prévues entre lui et Goertz, et proposa, comme ils en étoient convenus, de faire écrire une lettre à Goertz par le duc d’Ormond au par le comte de Marr, contenant cette offre, et faire en même temps passer en Hollande les autres trente mille pièces de huit qu’ils disoient être prêtes. Le dessein des deux ministres de Suède étoit d’en acheter quelques vaisseaux en France, et de lever quelques matelots pour les équiper. Le roi de Suède leur en avoit demandé mille ou quinze cents, mais sans songer à l’entreprise d’Angleterre, dont il n’étoit pas informé. Ses ministres, persuadés de l’importance de l’expédition, y employèrent le banquier Hoggers, dont ils connoissoient la vivacité. Il s’étoit fait un prétexte d’armer quelques vaisseaux, par un traité avec le conseil de marine, pour apporter des mâts de Norvège dans les magasins du roi. Il avoit donc à Brest trois navires du roi qu’il prétendoit armer en guerre, et un quatrième de cinquante-huit pièces de canon qu’il