Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/162

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ces dépenses épargnées, le roi d’Espagne tireroit plus de deux cent cinquante mille écus par an. Bien des gens se trouvoient intéressés dans ce bouleversement ; ainsi Albéroni tirant un mérite de sa hardiesse à l’entreprendre, se fondoit en nouvelles raisons, toutes modestement résultantes du seul intérêt du service du roi, de le garantir de la vengeance de tant de gens si irrités, et ce moyen étoit unique, c’est-à-dire d’être promptement revêtu de la pourpre.

De là nouveaux ressorts et nouveaux manèges employés à Rome pour vaincre la lenteur du pape, qui de son côté vouloit des modifications à son gré sur ce qui avoit préliminairement été convenu sur les différends des deux cours avec Aldovrandi à Madrid, et remettre cette affaire à Rome à une congrégation. Le premier ministre et le confesseur, qui seuls s’en étoient mêlés, menacèrent à leur tour d’une junte sur ces affaires qui feroit voir au pape la différence de sa hauteur et de son opiniâtreté d’avec la conduite de deux hommes dévoués au saint-siège, et qui pour cela même, encourroient toute la haine de cette junte et de l’Espagne entière. Albéroni, que rien ne pouvoit détourner de son unique affaire, avoit sain de faire dire au pape qu’il ne craignoit aucune opposition à son chapeau de la part de la France ; et comme les mensonges les plus grossiers ne coûtoient rien là-dessus ni à lui ni au P. Daubenton, il se vanta au pape de toute l’estime du régent, dont il le faisoit assurer sauvent, et même lui avoit fait mander par le P. du Trévoux que Son Altesse Royale désiroit entretenir directement avec lui une secrète correspondance de lettres.

La confiance du pape et de la cour de Rome en Daubenton, sûre de son abandon à son autorité, à ses maximes par les effets, ne put être obscurcie par les efforts de Giudice, qui ne craignoit pas d’assurer le pape que ce fourbe le trompoit, et qu’il étoit capable de sacrifier son baptême à la conservation de sa place. Ce jésuite ne laissoit pas d’avoir