Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou s’il y a trop de longueur et d’explication, de m’en faire instruire ; alors, possédant bien la matière, je serai de ravis que vous désirerez, ou si le mien ne peut s’y ranger, je vous le dirai franchement. Par l’arrêt même intervenu sur la régence, vous avez pouvoir d’admettre et d’ôter qui il vous plaira au conseil de régence ; à plus forte raison d’en exclure pour une fois ou pour plusieurs ; ainsi, quand bien instruit, je ne pourrai me rendre à ce que vous affectionnerez à faire passer, dites-moi de m’abstenir du conseil le jour que cette affaire y sera portée, et non seulement je n’en serai point blessé ; mais je m’en abstiendrai sous quelque prétexte, en sorte qu’il ne paroisse point que vous l’ayez désiré. Je ne dirai mot sur l’affaire à qui du conseil m’en pourra parler, comme moi l’ignorant ou n’étant pas instruit, et je vous garderai fidèlement le secret. » M. le duc d’Orléans me remercia beaucoup de cette ouverture, me dit que c’étoit là parler en honnête homme et en ami, et, puisque je le voulois bien, qu’il en profiteroit. On verra dans la suite qu’en effet il en profita quelquefois ; mais pour ce traité il ne le voulut pas faire ; il craignit que cela ne parût affecté, et se contenta comme il put de l’avis que je venois de lui déclarer.

L’après-dînée nous voilà tous au conseil, et tous les yeux sur le maréchal d’Huxelles, qui avoit l’air fort embarrassé et fort honteux. Si le duc d’Orléans ouvrit la séance par un discours sur la nécessité et l’utilité du traité, qu’il dit à la fin au maréchal d’Huxelles de lire. Le grand point entre plusieurs autres, étoit la signature sans les Hollandois. Le maréchal lut à voix basse et assez tremblante ; puis le régent lui demanda son avis. « De l’avis du traité ; » répondit-il entre ses dents, en s’inclinant. Chacun dit de même. Quand ce vint à moi, je dis que, dans l’impossibilité où je me trouvois de prendre un avis déterminé sur une affaire de cette importance dont j’entendois parler pour la première fois, je croyois n’avoir point de plus sage parti à prendre que de