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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/214

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tacitement ce que M. de Vendôme et lui n’avoient jamais ni eu ni osé demander du temps du feu roi, qui fut d’être assis pendant le sermon de la cène avec les princes du sang, le dernier en même rang et honneurs qu’eux. Sur les plaintes qui en furent portées au régent, il montra le trouver mauvais, et promit d’y donner ordre. Il pouvoit dès lors l’empêcher, puisqu’il y était. Le lendemain, vendredi saint, le grand prieur parut à l’office du jour à la chapelle en même place et honneurs. M. le duc d’Orléans dit après qu’il l’avoit oublié, mais il ne laissa pas d’ordonner au grand maître des cérémonies de l’écrire sur son registre. Il protesta seulement que cela n’arriveroit plus, et se moqua ainsi des princes du sang, sans nécessité aucune que de complaire à l’insolence d’un audacieux qui sentoit bien à qui il avoit affaire. Je ne voulus pas seulement prendre la peine de lui en parler : c’étoit l’affaire des princes du sang encore plus que la nôtre.

La paix profonde, qui avoit toutes sortes d’apparences de durer longtemps, donna lieu à plusieurs jeunes gens qui n’avoient encore pu voir de guerre, de demander la permission de l’aller chercher en Hongrie. La maison de Lorraine, si foncièrement attachée à celle d’Autriche, en donna l’exemple par le prince de Pons et le chevalier de Lorraine, son frère, qui l’obtinrent, et partirent aussitôt. M. du Maine crut devoir écouter le désir du prince de Dombes, qui l’obtint de même. Alincourt, fort jeune, second fils du duc de Villeroy, y alla aussi, et quelques autres ; mais ce zèle des armes devint contagieux. On commença à se persuader qu’à ces âges-là on ne pouvoit se dispenser de suivre cet exemple ; ce qui obligea avec raison le régent à défendre que personne lui demandât plus d’aller en Hongrie, et qu’il fit une défense générale d’y aller. M. le prince de Conti voulut faire comme les autres. Il se laissa apaiser par de l’argent. Il acheta de La Vieuville le médiocre gouvernement de Poitou, que M le duc d’Orléans fit payer pour lui par le roi, en mettre les appointements sur le pied des grands gouvernements,