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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/234

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rendre content de sa conduite. Telles étoient les impostures et les artificieuses vanteries d’Albéroni.

Toujours inquiet de tous les avis qui pouvoient venir au roi d’Espagne, il fit donner un ordre positif à tous ses ministres au dehors de ne plus écrire par la voie du conseil d’État, mais d’adresser à Grimaldo toutes les dépêches. Encore les voulut-il sèches, et que le véritable compte des affaires lui fût adressé par dos lettres particulières à lui-même. Grimaldo avoit été présenté au duc de Berwick, en Espagne, pour être son secrétaire espagnol. Il ne le prit pas, parce que lui-même ne savoit pas un mot d’espagnol alors. Orry, qui savoit la langue, le prit, et s’en accommoda fort, par conséquent la princesse des Ursins. Ce fut où Albéroni le connut du temps qu’il étoit en Espagne valet du duc de Vendôme, et après qu’il l’eut perdu, résident, puis envoyé de Parme. Mme des Ursins chassée, Grimaldo demeura obscur dans les bureaux, d’où il fut tiré par Albéroni, à mesure qu’il crût en puissance. Il en fit son principal secrétaire confident pour les affaires. Ce fut lui avec qui je traitai en Espagne, et que j’y trouvai le seul ministre avec qui le roi dépêchoit. Il n’avoit point pris de corruption de ses deux maîtres. Si je parviens jusqu’au temps d’écrire mon ambassade, j’aurai beaucoup d’occasion de parler de lui.

Enfin le cardinal del Giudice, ne pouvant plus tenir en Espagne, on partit le 22 janvier sans avoir pu obtenir la permission de prendre congé du roi et de la reine. Il alla par la Catalogne s’embarquer à Marseille, pour se rendre à Rome par la Toscane.

Le délai opiniâtre de la promotion d’Albéroni excita les plaintes les plus amères du roi et de la reine d’Espagne, et les avis les plus fâcheux à Aldovrandi en chemin vers l’Espagne. Les agents qu’il y avoit laissés désespéroient qu’on l’y laissât rentrer, et du départ de l’escadre. Le premier ministre vouloit intimider le pape comme le plus sûr