Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/261

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Le roi d’Espagne ne pensoit pas à recouvrer par les armes les États qu’il avoit perdus. Il connoissoit que les Pays-Bas et l’Italie avoient dépeuplé l’Espagne et les Indes. Il trouvai sa situation présente plus avantageuse que celle d’aucune autre puissance. Ses frontières étoient bien garnies, la citadelle de Barcelone devoit être achevée dans la fin de l’année, et garnie de cent pièces de canon. Si ses ennemis pensoient à l’attaquer avec des armées nombreuses, elle périroient faute de subsistance ; si avec de médiocres, celles d’Espagne seroient suffisantes pour la défense. Il n’y avoit que trois ou quatre années de paix à désirer pour donner à la nation espagnole le loisir de respirer, et ne rien négliger en attendant pour faire fleurir son commerce.

Un des principaux moyens que le premier ministre s’en proposoit étoit des manufactures de draps, pour lesquelles il voulut faire venir des ouvriers de Hollande. Il en parla à Riperda qui lui dit en grand secret qu’il falloit que Beretti fît en sorte d’en envoyer un de ceux qui travailloient à Delft, en lui faisant envisager une récompense et une fortune considérable en Espagne. Comme il y manquoit plusieurs choses, il fit remettre cent cinquante mille livres à Beretti pour un achat de bronzes. Il prétendoit qu’il ne songeoit qu’à mettre le roi d’Espagne en état de se faire respecter, sans causer de préjudice ni de tort à personne, mais de procurer du bien à ses amis et à ses alliés. Les ministres d’Espagne au dehors assuroient aussi que la triple alliance n’avoit pas fait la moindre peine au roi d’Espagne ; qu’il n’avoit aucune vue sur le trône de France, quelque malheur qui pût y arriver, et qu’étant naturellement tranquille, il se contenteroit de régner en Espagne.

Le roi de Sicile ne se lassoit point de presser, ce monarque de veiller à la sûreté des traités d’Utrecht. Il craignoit tout de l’empereur pour l’Italie et pour la Sicile, dès qu’il auroit fait la paix avec la Porte. Il ne comptoit point sur l’Angleterre, dont le roi, par ses ménagements pour l’empereur,