Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/268

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les véritables abandonnés à Rome, tels que le nonce, les jésuites, les sulpiciens et les évêques de leur faciende, et plusieurs antres qui ne le voyoient pas, mais que les autres entraînoient par ignorance et par bêtise. Ainsi le maréchal faisoit souvent des pointes qui déconcertoient les projets. Mais bientôt après, le premier président et d’Effiat le prenoient, tantôt par caresses, tantôt sur le haut ton, souvent par des raisons d’intérêts particuliers, qui n’étoient pas ceux de l’Église ni de l’État, moins encore du régent, et le ramenoient, de sorte que l’irrégularité de cette conduite du maréchal d’Huxelles entravoit souvent les deux partis et le régent lui-même. Ce prince qui, dès les temps du feu roi savoit ce que je pensois sur la constitution, et, comme je l’ai rapporté en son temps, ce que lui-même en pensoit, en étoit embarrassé avec moi. Il évitoit d’autant plus aisément de me parler de cette matière que je ne l’y mettois jamais, et qu’à l’exception de quelques adoucissements que j’en obtenois quelquefois des violences qu’on extorquoit de lui sur des particuliers, je ne cherchois point à entrer en rien de toute cette affaire avec lui, depuis que j’avois reconnu l’entraînement où il s’étoit laissé aller. Mais quand il se sentoit embarrassé et pressé à un certain point, il ne pouvoit s’empêcher de revenir à moi avec une entière ouverture, dans les occasions et sur les choses même où ses soupçons ou les influences de gens qui l’approchoient me rendoient le plus suspect à ses yeux. Pressé donc, et embarrassé entre les appels et les fureurs opposées dont je viens de parler, il m’arrêta, une après-dînée, comme je resserrois des papiers, et que je me préparois à le quitter après avoir travaillé avec lui tête-à-tête, comme il m’arrivoit une ou deux fois la semaine. Il me dit qu’il s’en alloit à l’Opéra, et qu’il vouloit m’y mener pour m’y parler de choses importantes. « L’Opéra, monsieur ! m’écriai-je ; eh ! quel lieu pour parler d’affaires ! parlons-en ici tant que vous voudrez, ou si vous aimez mieux aller à l’Opéra à la bonne heure ; et demain ou