Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/291

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maison d’Egmont, dont elle n’eut point d’enfants, et dont elle étoit veuve.

Chamarande perdit sa femme, qui avoit du mérite, et qui étoit fille du comte de Bourlemont, lieutenant général et gouverneur de Stenay, frère de l’archevêque de Bordeaux. J’observerai, pour la curiosité, qu’on disoit que ces Bourlemont portoient le nom et les armes d’Anglure, dont ils n’étoient point ; que leur nom est Savigny, qui sûrement ne vaut pas l’autre. Chrestien de Savigny, seigneur de Rosne, s’attacha au duc d’Alençon, dont il fut chambellan, et par sa valeur et ses talents s’éleva dans les emplois et se fit un nom. À la mort de son maître, il s’attacha aux Guise, alors tout-puissants, et devint, par son esprit, un de leurs principaux confidents et un des chefs de la Ligue sous eux. Lorsque, après le meurtre d’Henri III, le duc de Mayenne attenta à tout, jusqu’aux fonctions de la royauté, de Rosne fut un des maréchaux de France qu’il fit, avec MM. de La Châtre et de Brissac, et d’autres qui le demeurèrent par leurs traités avec Henri IV ; mais de Rosne n’en eut pas le temps. Il étoit lieutenant général de Champagne et commandoit à Reims pour la Ligue ; il étoit devenu fort audacieux, et son attachement pour le duc de Mayenne, dont il tenoit son prétendu bâton de maréchal de France, ne lui avoit [point] donné d’affection pour le jeune duc de Guise qui, par s’être échappé de la prison où il avoit été mis lorsque son père et le cardinal son oncle furent tués à Blois, avoit ôté toute espérance au duc de Mayenne de faire couronner son fils avec l’infante d’Espagne par les prétendus états généraux assemblés à Paris. Le duc de Guise, allant en Champagne, y donna ses ordres que Rosne ne se crut pas obligé de suivre. Étant l’un et l’autre à Reims, les disputes s’échauffèrent tellement, qu’en pleine place publique le duc de Guise, poussé à bout de son insolence, lui passa son épée à travers du corps et le tua roide. C’est ce même de Rosne qui avoit épousé la fille unique et héritière de Jacques d’Anglure, seigneur d’Estoges,