Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/296

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Maine étoit trop attentif à la qualité de prince du sang, dont il jouissoit alors en plein, et qu’il avoit conquise pour soi et pour ses enfants, pour en avoir commis la moindre chose sur un si grand théâtre. Apparemment que M. le comte de Charolois en voulut plus qu’on n’avoit donné à M. de Dombes ; cependant l’incognito couvroit tout. Il est vrai que MM. les princes de Conti n’avoient point vu l’empereur Léopold à leur voyage de Hongrie, ni en allant ni revenant, qui ne voulut pas leur donner le fauteuil comme aux électeurs ; mais il est vrai aussi qu’ils passèrent à Vienne à visage découvert.

On a vu, on son temps, tout ce que l’abbé de La Rochefoucauld eut à essuyer de sa famille, à la fin du règne du feu roi ; et depuis, qui le vouloit forcer, lorsqu’il fut devenu l’aîné, à céder tous ses droits d’aînesse à son frère, ou à quitter tous ses riches bénéfices, sans lui en donner de dédommagement. Enfin, ils le résolurent à s’en aller en Hongrie avec une dispense du pape de porter l’épée trois ans en gardant ses bénéfices. Le prince Eugène, le chevalier de Lorraine, le marquis de Forbin lieutenant général et capitaine des mousquetaires gris, et bien d’autres, ont toujours servi avec des abbayes sans dispenses, et ont porté l’épée et gardé leurs bénéfices jusqu’à la mort, sans être chevaliers de Malte ni de Saint-Lazare ; mais le scrupule convenoit aux desseins de M. et Mme de La Rochefoucauld. Il n’a pas paru que Dieu y ait répandu sa bénédiction ; mais en attendant, ils furent tous bien soulagés. L’abbé de La Rochefoucauld partit mal volontiers peu de jours après M. de Charolois ; il arriva à Bude, où, avant d’avoir joint l’armée impériale, il fut pris de la petite vérole, et en mourut.

On a vu à la mort du roi le succès de la noire et profonde scélératesse du duc de Noailles à mon égard ; par une calomnie et une perfidie qui a, je crois, peu d’exemples, et combien elle seconda le projet du duc et de Mme la duchesse du Maine, résolue à bien tenir les épouvantables