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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/297

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paroles qu’elle avoit dites à Sceaux aux ducs de La Force et d’Aumont. On les a vues, t. XI, p. 421, et à propos de quoi elles furent dites ; mais il est nécessaire ici de les répéter. Les voici : « Qu’elle vouloit bien leur dire, pour qu’ils ne prétendissent pas en douter, que quand on avoit une fois acquis l’habilité de succéder à la couronne, il falloit plutôt que se la laisser arracher, mettre le feu au milieu et aux quatre coins du royaume. » Ces furieuses paroles furent les dernières de cette belle conférence qui fut unique. Ce fut dans la vue d’une si monstrueuse exécution, si besoin en étoit, qu’ils continuèrent plus que jamais d’échauffer tout ce qu’ils purent contre les ducs ; premièrement pour effrayer et se maintenir dans leurs usurpations contre eux, en empêchant par ce bruit, tout jugement dans la suite ; secondement pour, sous prétexte de l’objet des ducs, s’attacher et se former un parti, dont ils pussent faire à leur gré toutes sortes d’autres usages, à quoi ils ne cessèrent de travailler tant que le roi vécut, surtout sur la fin.

Une image d’ordre et de distinction s’étoit soutenue jusqu’à la mort du roi, au milieu de toutes les entreprises et de toute décadence. Après lui, le peu de dignité de M. le duc d’Orléans jusque pour lui-même, sa légèreté, sa facilité, sa politique si favorite, divide et impera, confondirent tout à son avènement à la régence. Plus de cour, un roi enfant, ni reine ni dauphine, et deux uniques veuves de fils de France : Madame, toujours enfermée, sa toilette et son dîner fort déserts ; Mme la duchesse de Berry renfermée ou en parties, voulant et ne voulant point de cour, et se trouvant fort abandonnée, imagina d’en réchauffer une, en permettant aux dames d’y venir en robes de chambre ; établit des tables, de jeu, et on retint plusieurs à souper tous les soirs. Cela éclipsa les tabourets, parce que, y ayant cette heure commode de la voir, on ne tint plus compte d’aller à sa toilette, ni guère plus d’aller aux audiences qu’elle donnoit aux ambassadeurs, ni à celles de Madame, laquelle on