Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/304

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comme de l’un d’eux. Tout contribua à le faire entrer agréablement dans le monde avec un tel appui, un grand nom, un des plus beaux visages et des plus agréables qu’on pût voir dans la fleur de quatorze ou quinze ans, beaucoup d’esprit, d’art et de tour, qui surprennent infiniment à cet âge, et à cette arrivée de province, enfin la compassion d’un abandon si total de fortune avec tant de talents naturels. Il fut ainsi à la cour plusieurs années avant la mort du roi, qui, à la prière de M. de La Rochefoucauld, lui donna enfin pour rien un guidon de gendarmerie. Le fils aîné du maréchal de Tallard avoit épousé en 1704 la fille unique de Verdun, aîné de sa maison et cousin-germain de son père, pour terminer de grands procès. Il mourut sans enfants des blessures qu’il reçut à la bataille d’Hochstedt. Sa veuve étoit également laide et riche. M. de Pons, qui n’avoit rien, se mit en tête de l’épouser. Il y parvint par ses charmes en 1710. Il quitta la cour, MM. de La Rochefoucauld, dont il compta n’avoir plus besoin, et le service, et montra plus de talent à faire valoir des procès que pour la guerre ; il désola le maréchal de Tallard, et il montra souvent aux procureurs les plus lestes qu’il en savoit plus qu’eux. Mme de Montmorency-Fosseux s’étant bientôt lassée d’être dame d’honneur de Mme la Duchesse (Conti), M. le Duc et Mme sa mère se piquèrent de ne pas déchoir, et mirent Mme de Pons en sa place. Rien de si avare, de si glorieux, de si pointilleux, et si la naissance permettoit de le dire, de si audacieux que M. de Pons avec un air de politesse et un débit sentencieux de maximes, et que Mme de Pons avec l’aigreur et l’emportement d’une femme qui connoissoit peu le monde et les mesures. Leur règne fut donc assez court à l’hôtel de Condé, d’où ils sortirent brouillés avec tout ce qui y alloit, et plus encore avec les maîtres. De ce moment on ne les a plus vus dans le monde, uniquement appliqués à s’enrichir de plus en plus, et M. de Pons raccroché par Mme du Maine à former son parti, avec le même but et le même feu que M. de