Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/346

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sur l’affaire des princes du sang et légitimés, lui remettre la requête et protestation de la prétendue noblesse, et recevoir ses ordres M. le duc d’Orléans présent, et le chancelier, à qui le roi remit de la main à la main ce que le premier président lui avoit présenté ; le chancelier leur dit que le roi leur feroit savoir sa volonté.

L’après-dînée du même jour se tint le conseil de régence extraordinaire pour le jugement, qui fut continué le lendemain matin jeudi 1er juillet. L’arrêt ne fut pas tout d’une voix. Saint-Contes fit un très beau rapport et fut en entier pour les princes du sang ainsi que la plupart des juges. La rare bénignité de M. le duc d’Orléans, que tant de criminels et d’audacieux manèges n’avoient pu émousser, sa facilité, sa faiblesse pour ceux qui l’obsédoient et qui étoient aux bâtards, quelque vapeur de crainte, et cette politique favorite divide et impera, le mit en mouvement pour faire revenir les juges à quelque chose de plus doux. La succession à la couronne fut totalement condamnée, le rang des enfants supprimé, celui des deux bâtards modéré. L’arrêt, tourné en forme d’édit, fut trouvé trop doux au parlement, et pour cette raison enregistré avec difficulté le mardi 6 juillet. Et malgré la teneur de l’édit, M. le duc d’Orléans, de pleine autorité, le modéra de fait encore, en sorte que les bâtards n’y perdirent que l’habilité de succéder à la couronne, et le traversement du parquet au parlement. M. le Duc défendit aux maîtres d’hôtel du roi de lui laisser présenter la serviette par les enfants du duc du Maine ; le duc de Mortemart premier gentilhomme de la chambre d’année, leur refusa le service de prince du sang, et il y eut difficulté dans les salles des gardes de prendre les armes pour eux. M. le duc d’Orléans ordonna sur-le-champ qu’ils fussent traités en princes du sang à l’ordinaire, et comme avant l’arrêt ce qu’il fit exécuter. Cette très étrange bonté n’empêcha pas Mme du Maine de faire les hauts cris comme une forcenée, ni Mme la duchesse d’Orléans de pleurer jour et nuit, et d’être deux