Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/345

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les conduisirent partie à la Bastille, partie à Vincennes, où ils furent comblés de civilités et de toutes sortes de bons traitements, sans pourtant voir personne. Cet emprisonnement fit grand bruit parce qu’on n’en attendoit pas tant de l’infatigable débonnaireté de M. le duc d’Orléans ; mais la manière si distinguée en fit encore davantage, et tant de ménagements, si fort déplacés, firent triompher la prétendue noblesse, et envier publiquement l’honneur d’être des prisonniers. Trois jours après, il courut un libelle extrêmement insolent et séditieux, intitulé Écrit des trois états, qui ramena le souvenir des écrits les plus emportés de la Ligue. Il ne parut que manuscrit, mais dix mille copies à la fois, qui se multiplièrent bien davantage.

Parmi tout ce bruit, Saint-Contest travailloit souvent avec M. le duc d’Orléans, et il travailloit en même temps avec les six commissaires, qui allèrent aussi deux fais tous six travailler avec M. le duc d’Orléans. Outre ceux du conseil de régence qui n’étoient point parties ni ducs, et qui demeuroient juges de l’affaire des princes du sang et bâtards, le maréchal d’Huxelles, MM. de Bordeaux, de Biron ; et Beringhen, premier écuyer, leur forent joints des conseils de conscience, de guerre, des affaires étrangères et du dedans. Cela ne fut déclaré que le dimanche matin 27 juin, au conseil de régence, c’est-à-dire après qu’il fut levé en sortant. Le lendemain lundi, le comte de Toulouse, qui se tenoit fort à part dans tous ces mouvements qui n’étoient point du tout de son goût, rendit compte à M. le duc d’Orléans qu’il avoit reçu une lettre, souscrite de quantité de gentilshommes de Bretagne, sur l’impossibilité où étoit cette province de payer le dixième, et de la sage réponse qu’il leur avoit faite. Je remarque cette lettre comme le premier coup de tocsin de ce qu’on verra dans la suite en Bretagne. Le mercredi 30 juin, le premier président, tous les présidents à mortier et les gens du roi allèrent à onze heures aux Tuileries, députés pour venir rendre compte au roi de ce qui s’étoit passé