Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son mal particulier que de celui qu’il souffre en commun avec tous les autres, conséquemment porté à se reposer sur qui il appartiendra du remède à ces maux généraux, et à n’agir vivement que sur ce qui en particulier le regarde. C’est ce qu’il est à craindre de voir arriver dans une assemblée tirée de tous les divers pays du royaume et des trois ordres de chaque pays, que chacun n’y pense qu’à sa propre chose, sans se mettre beaucoup en peine de la générale, ni de celle de son voisin, sinon par rapport à la sienne, et que cet intérêt particulier ne remplisse l’assemblée d’une foule de propositions de remèdes différents, contradictoires les uns aux autres, sans qu’il en résulte rien qui ait une application certaine au mal, général pour la guérison duquel elle aura été convoquée. En ce cas, quelle confusion ! et quel fruit de ces états généraux ?

Mais parmi ceux qui y seront députés, peut-on espérer qu’il s’y en trouve de bien versés dans la science des finances, qui en aient fait une étude suivie et principale, qui s’y soient perfectionnés par l’expérience ? Tous ceux de ce genre sont sûrement connus, et il n’est pas besoin d’une telle assemblée pour les avoir sous sa main et pour les consulter. Il est, au contraire, à présumer que, faisant un nombre, pour ainsi dire, imperceptible parmi la foule des députés et parlant une langue étrangère à la plupart, ils leur deviendront aisément suspects, qu’ils en seront peut-être méprisés, et que leurs avis y deviendront au moins inutiles. Or ce succès ne vaut pas une tenue des états généraux.

Que si l’on objecte que c’est être hardi que de penser qu’une telle assemblée ne soit pas capable des bonnes raisons, et de goûter les bons remèdes que quelques députés y pourront proposer, et de n’espérer pas de cette foule un bon nombre de bonnes têtes remplies d’expédients de la discussion desquels il se puisse tirer d’excellents remèdes, il est aisé de répondre que tel est le malheur, non la faute, de la nation gouvernée depuis tant d’années sans avoir presque le