Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/372

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étendue et par des exemples la bonté, la facilité, le désir de plaire, sa peine de choquer le nombre, et qui, étant le premier sous un roi de huit ans, ne laisse pas de voir en Espagne une branche qui est son aînée et qui se multiplie tous les ans. Les réflexions que cet article présente sont immenses en nombre et en poids ; c’est à vous, Monseigneur, à les faire, et toutes, et à les pousser dans toute leur étendue. Vous n’êtes que le tuteur et l’administrateur de l’autorité royale ; vous aurez un jour à en rendre un compte exact au jeune prince à qui vous la conservez comme dépositaire ; vous devez la lui remettre tout entière, les rois en sont infiniment jaloux. Vous savez trop pour ignorer quelle est la différence que mettra entre vous-même et vous-même le jour de la majorité ; c’est ce jour qui doit faire sans cesse l’objet de vos méditations. Elles sont trop hautes pour qu’il m’appartienne autre chose que de vous les représenter.

Mais, outre ce compte exact de l’autorité souveraine dont vous serez comptable au roi en ce grand jour, vous l’êtes à vous-même au dedans et au dehors, aux siècles futurs. Votre réputation dépendra tout entière de la conduite que vous aurez tenue aux états généraux, et encore plus de leur issue. Sur ce grand théâtre vous paroîtrez tout entier, et sans qu’aucune partie de vous-même puisse être cachée à tant d’yeux perçants, dont vous ferez l’objet et l’étude principale. Là, chacun apprendra à vous craindre ou à ne vous rendre que de vains respects de rang, à vous aimer, à aimer votre administration, ou à se lasser d’elle et de vous ; et ce dégoût est un malheur que celui des temps a souvent attiré aux meilleurs princes, à ceux qui étoient le plus expressément nés pour faire l’amour et les délices des hommes, et qui avoient le mieux commencé. C’est donc en vain que de ce côté-là Votre Altesse Royale s’appuieroit sur la pureté de ses intentions, de ses desseins, de son travail, sur son désir et son soin de plaire, ajouterai-je sur son esprit et sur son industrie. Dans une situation aussi forcée qu’est celle du