Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chacun de ce qui les compose, et signaler un manquement de foi qui seroit un exemple à toute l’Europe, à profit certain contre vous et contre la France à tous vos ennemis et à tous les siens, en un mot [sans] vous diviser de l’État et de la nation, [ce] qui seroit le comble des plus irrémédiables malheurs, dont on ne peut trop méditer et craindre les suites funestes, qui dureroient non seulement autant que votre régence mais que votre vie, par la juste indignation du roi et de la nation même. Ce seroit encore ici un vaste champ à s’étendre, mais la matière en est trop triste et trop palpable pour s’y arrêter plus longtemps.

5° Considérez donc bien attentivement, Monseigneur, de ne rien promettre aux états, soit pour la chose, soit pour la manière que ce que vous serez en état et en volonté de tenir avec une fidélité exacte et précise ; et considérez avec la même application si vous serez en état et en volonté de leur accorder et tenir ainsi toutes les demandes, même justes, qu’ils vous pourront faire pour leur soulagement. Pour faire cette méditation avec fruit, portez d’abord votre vue sur vous-même, et ensuite sur eux. Sur vous-même, examinez bien si votre bonté naturelle, votre désir d’accorder et de plaire, la facilité qui en résulte, et le sérieux qu’imprime toute la nation assemblée, laissera assez de fermeté en vous pour ne vous point détourner, à leurs demandes, du discernement mûr que vous aurez fait de ce que vous pourrez et de ce que vous ne pourrez pas, et pour vous soutenir dans les pas glissants qui se présenteront souvent. Ne craignez-vous point que, pressé dans ces moments critiques par le poids du nombre, par l’évidence de injustice, par l’adresse, la louange, l’espérance, semées dans un beau et solide discours, par la majesté du spectacle, vous ne puissiez résister à tant de forces, et que votre imagination, trouvant alors possible ce que vous aviez bien connu ne l’être pas auparavant, vous ne veniez à accorder ce que vous aviez résolu de refuser ; que si vous ne l’accordez pas tout à la fois, vous ne