Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/381

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sommes point en Angleterre, et Dieu garde un tuteur et un conservateur de l’autorité royale en titre aussi éclairé que l’est Votre Altesse Royale, de donner occasion aux usages de ce royaume voisin, dont nos rois se sont affranchis depuis bien des siècles, et dont le nôtre vous redemanderoit un grand compte ! Nulle nécessité des états pour obtenir des secours des peuples de France ; le roi y pourvoit lui seul par ses édits et déclarations enregistrés. Il ne pourra donc s’y en agir aux états, mais bien et principalement des remèdes pour les finances. Si leur difficulté a mis à bout vos lumières soutenues de tout votre pouvoir, après tant de moyens tentés, il est clair qu’on n’assemble les états que pour consulter un plus grand nombre de personnes éclairées et intéressées en cette matière, dont vous n’auriez pas en besoin si vous aviez pu trouver des solutions par vous-même ; par conséquent qu’il doit être moins question de leur en proposer là-dessus que de leur exposer l’état des affaires pour en recevoir leur avis après qu’ils en auront délibéré. Or quoi de plus contradictoire à cela que les empêcher de rien proposer ? Quoi même de plus illusoire ? qualité dans, les affaires a constamment été l’écueil fatal de presque toutes les tenues d’états généraux. Et quoi encore de plus injurieux que de refuser si fermement la première proposition qui vous sera faite par eux qu’ils n’osent plus se commettre à vous en faire aucune ? Ce moyen est bien plus propre à en faire naître d’étranges, et à roidir les états contre tout ce qui viendroit de Votre Altesse Royale, qu’à les lui soumettre. Ils se lasseront moins des refus que vous de refuser ; et si après un premier refus commencé vous vous laissiez entamer, où ne pourroit-il pas vous mener ? Ce seroit alors qu’irrités du refus, sans être apaisés par ce qui leur auroit été accordé, fiers de la conquête qu’ils croiroient ne devoir qu’à eux-mêmes, ils en essayeroient d’autres avec plus de chaleur, dont le refus et l’acquiescement auroient d’égaux dangers, et qui commenceroient la funeste lutte que j’ai