Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/394

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se développeront chaque jour dans une tenue d’états, qui causeront un choc entre le droit d’une part et l’autorité accoutumée de l’autre, qui ne peut enfanter que des angoisses pour vous et des malheurs pour l’État.

Mais je dis plus, et me renfermant dans l’affaire des princes, vous ne pouvez ignorer l’extrême désir de la noblesse d’en être juge, et je m’étendrois inutilement à vous convaincre d’une chose dont vous l’êtes. De là à prétendre juger seule, il n’y a plus qu’un pas, et ce pas est si naturel que tout en persuade, et singulièrement tout ce qui se passe depuis ces mouvements commencés. Que si la tenue des états trouve l’affaire jugée, comptez, Monseigneur, que les mécontents du jugement rendu, et que la noblesse, qui ne le sera pas moins qu’une telle affaire lui ait échappé, voudront également la remettre sur le tapis, et que, quand notre ordre seroit convaincu de l’équité de ce que vous auriez prononcé, et ne pourroit que prononcer de même, il agira de concert avec ceux qui auront été condamnés pour arriver à revoir l’affaire, dût-il encore une fois y prononcer en mêmes termes qu’il auroit été fait. Nul plus grand intérêt ne se peut présenter à lui. Vous voyez à quel point plusieurs se montrent touchés de ce qu’ils devroient regarder avec d’autres yeux. Concluez du moins que ceux-là mêmes, et tous les autres avec eux, verront clair sur celui-ci qui porte avec soi toute la vérité et la solidité du plus grand et du plus sensible intérêt, et qu’ils ne se détourneront pour quoi que ce soit ni à droite ni à gauche.

Vous connoissez, Monseigneur, les princes du sang et les légitimés, la naissance des uns, les établissements des autres, le mérite de tous. Quelles partialités ne formeront-ils point parmi le second ordre, et encore parmi les deux autres ! quels mouvements jusqu’à la décision entre eux ! Quelles suites de cette décision ! Quel ralliement des esprits remuants et mécontents avec ceux de ces célèbres plaidants qui auront perdu leur cause ! En envisagez-vous bien les