Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

désire que vous en soyez, qui m’en a prié et qui m’en presse. — Monsieur, repris-je, voilà la dernière folie. A-t-il oublié, et vous aussi, comme je l’ai mené et traité, je ne sais combien de fois, tant en particulier devant vous qu’en plein conseil de régence ? Quel goût peut-il prendre à des scènes où il a toujours ployé le dos et fait un si misérable personnage, et vous de donner lieu à les multiplier ? » Je parlai tant et si bien, du moins si fort, que cela finit comme la première fois. Le régent me parla d’autres choses, et je m’en crus enfin quitte et débarrassé.

Mais je fis mes réflexions sur la singularité de ce désir du duc de Noailles que je fusse de te comité, et tout ce que j’en pus comprendre, c’est que l’ivresse de la beauté de ce qu’il comptoit d’y exposer emporteroit mon suffrage, dont il se pareroit plus qu’aucun autre par la manière dont nous étions ensemble. Il avoit affecté plusieurs fois de se louer de mon impartialité en affaires quand je m’étois trouvé de son avis, et quand il m’étoit arrivé quelquefois de le soutenir, même contre d’autres au conseil de régence, ou en particulier entre quatre ou cinq chez M. le duc d’Orléans. Je crus donc que l’espérance du même succès, et du poids que ce manque total de ménagement que j’avois pour lui donneroit à sa besogne, [était le motif de sa conduite] ; mais comme une funeste expérience m’avoit appris jusqu’où pouvoit aller la noirceur et la profondeur de cette caverne, je me sus extrêmement bon gré d’avoir su m’en préserver.

Trois ou quatre jours après cette dernière conversation, le duc de Noailles commença la lecture de son mémoire. Il dura plusieurs conseils de régence ; il y en eut même d’extraordinaires pour l’achever. C’étoit une apologie de toute sa gestion avec beaucoup de tour pour l’avantager de tout, et beaucoup de louanges mal voilées d’une gaze de modestie.

Cette première partie étoit prolixe ; l’autre rouloit sur la proposition d’un comité où il pût exposer sa gestion avec