Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/444

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et avec l’Espagne. — Acquaviva veut gagner le cardinal Ottobon. — Vil intérêt des Romains. — Réflexion sur les cardinaux françois. — Changement de plus en plus subit de la conduite d’Albéroni sur sa promotion. — Ses raisons. — Conduite et ordres d’Albéroni à Beretti suivant son dernier système. — Raisonnements de Beretti. — Agitations intérieures de la cour d’Angleterre.


On apprit en même temps la mort du palatin de Livonie, qui avoit accompagné le prince électeur de Saxe dans tous ses voyages, qui avoit toute la confiance du père et du fils, et qui acquit par son esprit, par ses lumières et par sa conduite et celle de ce prince en France tant de réputation. Il étoit catholique, il eût été ravi de voir ce prince sur le trône de Pologne, et bien étonné s’il eût pu deviner que la fille de Stanislas seroit reine de France et celle de son jeune prince Dauphine par le contraste le plus étrangement singulier.

Le pape étoit toujours en des frayeurs mortelles des préparatifs du Turc, et se réjouissoit de la diligence qu’on lui faisoit valoir de ceux de l’Espagne pour envoyer l’escadre promise en Levant, et Acquaviva en profitoit pour presser la promotion d’Albéroni, qui perdroit, disoit-il au pape, toute sa grâce s’il ne l’accordoit qu’avec toutes les précautions qu’il y vouloit apporter, c’est-à-dire que l’escadre fût dans les mers du Levant, la nonciature rouverte en Espagne et tous les différends entre les deux cours terminés. Giudice étoit encore à Gênes. Son neveu le prélat, témoin des exclamations de tous les cardinaux, lorsqu’ils entendoient parler de la promotion d’Albéroni, trembloit que la conduite de son oncle à Rome ne nuisit à sa fortune. Cellamare n’en avoit pas moins de frayeur pour lui-même, tous deux bien résolus de s’en tenir aux plus légères bienséances avec leur oncle, et se servir eux-mêmes en servant Albéroni. Ce dernier avoit reçu la nouvelle de la promotion de Borromée avec beaucoup de fermeté ; il parut qu’elle lui faisoit affecter de se montrer comme l’arbitre des affaires et de la cour