Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/451

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conclusion, pour en avoir l’honneur, et tous ses raisonnements tendoient à éprouver si Georges agissoit sincèrement, ou se contentoit d’amuser ; ce qui ne se pouvoit qu’en le pressant extraordinairement de faire expliquer l’empereur avant la décision de la campagne en Hongrie. Il se confirmoit dans cette opinion par l’aveu que faisoient Heinsius et Duywenworde, autrefois impériaux si zélés, qu’ils ne pouvoient avoir de confiance en la sincérité de l’empereur dans la négociation commencée, en en éprouvant si peu de sa part sur l’exécution des conditions du traité de la Barrière.

Le Pensionnaire même si mesuré, s’étoit emporté contre l’ambition de la cour de Vienne et le danger de la laisser en état de se rendre maîtresse de tous côtés, par conséquent de faire les derniers efforts sur le traité de paix avec l’Espagne pendant la campagne de Hongrie. Beretti proposoit la nécessité d’acquérir des amis encore plus sûrs à l’Espagne, par des pensions dont on flatteroit les plus propres à les recevoir, et en même temps les plus en état de bien servir, mais qui ne leur seroient données que lorsque l’alliance avec la république seroit comme certaine. Ceux qu’il nommoit pour ces pensions des principaux membres de la république étoient le comte d’Albemarle, les barons de Reenswonde, de Norwich et de Welderen. Ce dernier étoit député pour la Gueldre. Il le disoit fort autrichien, mais sensible à l’argent, et plus encore aux bons repas.

Albéroni, dans les principes qu’on a vus, étoit fort ralenti sur ces alliances. Il écrivit une lettre à Beretti, suivant ces mêmes principes, avec ordre de la montrer au Pensionnaire et aux bien intentionnés. Il y insistoit sur l’absolue nécessité de l’équilibre, sur son impossibilité tant que l’empereur conserveroit un pouce de terre et un soldat en Italie, sur l’indifférence du roi d’Espagne, sur la paix à faire avec l’empereur. Surtout, il y relevoit le bon état de l’Espagne, et ses espérances de le rendre encore meilleur, avant qu’il fût cinq ou six ans.