Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

faire ce qu’il vouloit. Toute affaire d’Espagne étoit subordonnée, ou passoit en faveur de cette promotion, qui étoit la surnageante et la plus capitale. Enfin Acquaviva et Aldovrandi représentèrent si fortement au pape qu’il n’obtiendroit rien d’Espagne en aucun genre que moyennant cette promotion, que Sa Sainteté qui s’étoit contentée de prendre là-dessus quelque engagement avec Aldovrandi en air de confidence, en prit un effectif avec Acquaviva, à qui il dit dans une audience qu’il pouvoit écrire positivement à Madrid qu’elle étoit déterminée à faire pour Albéroni ce que la reine lui demandoit, et qu’il n’étoit plus question que de la manière de l’exécuter.

La difficulté, on l’a déjà dit, c’est qu’il n’y avoit qu’un chapeau vacant que le pape destinoit à un sujet protégé par l’empereur. On croyoit qu’il regardoit Borromée dont la mère avoit épousé Ch. Albani, neveu du pape, qui prétendoit par là compenser la promotion de Bissy, faite pour la France. Il falloit de plus satisfaire la France en même temps que l’Espagne en élevant de son pur mouvement deux sujets à la pourpre, nationaux ou agréables aux couronnes, et ces ménagements demandoient la vacance de trois chapeaux. On consoloit le premier ministre par la considération de sept cardinaux de plus de quatre-vingts ans, et d’onze de plus de soixante-dix, sans ce qui pouvoit arriver à de plus jeunes. On l’assuroit qu’il y avoit tout à espérer pour lui de la chute des feuilles. On l’avertissoit surtout de faire accorder au pape la condition réciproque, qui étoit un engagement du roi d’Espagne de différer sa nomination de couronne, et d’être longtemps sans en parler après la promotion d’Albéroni.

Une aventure très imprévue et fort subite pensa déconcerter des mesures si bien prises. Molinez, doyen de la rote, dont il étoit auditeur pour l’Espagne et chargé des affaires de cette couronne à Rome, logeoit, depuis longtemps qu’il y étoit seul ministre de cette couronne, dans le palais