Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/95

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l’argent venu par les derniers galions, pour en envoyer une grande partie à Parme. Quelque semblant qu’Albéroni fît d’être fermement certain que tout l’enfer déchaîné contre lui ne lui pourroit nuire, et de rehausser cette confiance d’un air de philosophie qui lui faisoit dire qu’il ne demeuroit chargé de tant d’envie et du poids des affaires que par attachement pour le roi et la reine et pour le bien de l’État, il craignoit mortellement, tout ce qui pouvoit avoir accès auprès de la reine. Elle avoit enfin fait venir à Madrid le mari de sa nourrice et leur fils capucin. La nourrice étoit fine, adroite, et ne manquoit ni de sens ni de hardiesse. Son mari étoit un stupide paysan, leur fils un fort sot moine, mais pétri d’ambition, qui ne comptoit pas sur moins que gouverner l’Espagne. La reine, qui avoit souvent demandé au duc de Parme un musicien nommé Sabadini qu’elle avoit fort connu, en avoit écrit avec tant de volonté, que le duc de Parme lui promit de le faire partir dès que le prince électeur de Bavière seroit parti de Plaisance. Albéroni craignoit horriblement la présence de Sabadini, dont il avoit plusieurs fois rompu le voyage par le duc de Parme. Il lui écrivit donc aigrement sur sa faiblesse, et l’envoi du capucin et de son père, et mit tout en œuvre auprès de lui pour arrêter en Italie Sabadini, duquel il prenoit de bien plus vives alarmes.




CHAPITRE V.


[Albéroni] compte sur l’appui de l’Angleterre ; reçoit avis de Stanhope d’envoyer quelqu’un de confiance veiller à Hanovre à ce qu’il s’y traitoit avec l’abbé Dubois. — Pensées des étrangers sur la négociation d’Hanovre. — Les Impériaux la traversent de toute leur adresse, et la Suède s’en alarme. — Affaires de Suède. — Pernicieuse haine d’Albéroni pour le régent. — Esprit de retour en France, surtout de la reine d’Espagne. — Sages réflexions d’Albéroni