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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/108

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peu. Le roi d’Angleterre, bien plus enclin à l’empereur qu’au régent, n’oublioit rien pour se donner le mérite de ses services à la France, et Saint-Saphorin vantoit ses soins qui valoient au régent la considération personnelle de l’empereur qui, à cause de lui, vouloit bien laisser un terme à l’Espagne pour accepter le traité, et qu’il consentoit en cas de refus qu’il fût libre à la France d’assister Sa Majesté Impériale d’argent sans être obligée à prendre les armes contre le roi d’Espagne. La même complaisance étoit accordée en cas qu’il fût question de faire la guerre au roi de Sicile, pour l’obliger à céder cette île.

Saint-Saphorin relevoit beaucoup cette modération de l’empereur, et les soins et l’habileté qu’il avoit mis en usage pour l’y conduire. Il louoit ce prince de donner cette marque du désir sincère qu’il avoit de concourir à l’affermissement du repos public. En même temps le roi d’Angleterre avertissoit le régent d’être fort sur ses gardes contre le parti du roi d’Espagne en France, appuyé de toute l’ancienne cour, lequel, suivant tous les avis de Hollande, étoit persuadé que, s’il arrivoit malheur au roi, le régent n’auroit pas assez d’amis pour le porter sur le trône. Enfin on ajoutoit que le czar offroit ses secours au roi d’Espagne dans la vue de se conserver toujours une part considérable dans les affaires de l’Europe, et un prétexte de renvoyer et tenir de ses troupes en Allemagne. De tout cela Georges concluoit que, s’il s’élevoit une guerre civile en France, le régent avoit grand intérêt d’acquérir, à quelque prix que ce fût, des amis assez puissants pour maintenir ses droits contre ses ennemis. Mais pour une guerre civile, il faut des chefs en premier et en divers ordres, une subordination, des têtes et de l’argent. Il n’y avoit rien de tout cela en France. L’inanition étoit son grand mal ; elle n’avoit rien à craindre de la réplétion. Nulle harmonie, nulle audace qu’au coin du feu, une habitude servile qui dominoit partout, et qui, au moindre froncement de sourcil, faisoit tout trembler, ceux qui