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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/12

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former une armée pour forcer les Moscovites à se retirer. L’empereur comptoit sur les troupes de Brunswick et de Danemark. Le roi d’Angleterre lui promettoit vingt-cinq mille hommes incessamment pour exécuter ses ordres. Sur cette assurance, le projet étoit fait à Vienne d’intimer au czar un terme fort court pour faire sortir ses troupes des terres de l’empire ; s’il refusoit, le déclarer ennemi de l’empire et de tenir une diète pour cela. Le roi d’Angleterre, comme directeur du cercle de la basse Saxe, devoit agir ensuite au nom de l’empereur et de l’empire avec une armée composée des troupes de Danemark, Hanovre, Wolfenbuttel, Gotha et Munster, et camper le 15 juin aux environs de Lauenbourg. Le payement de ces troupes devoit être pris sur les vingt-cinq mille livres sterling accordées au roi d’Angleterre par son parlement.

Tandis que ces mesures se prenoient, dont le pape étoit très mal informé, il pensoit à faire une ligue entre l’empereur et le czar pour la défense de la chrétienté, et il donna ordre à son nonce Bentivoglio, à Paris, de travailler secrètement et prudemment à la former. Il avoit trouvé plusieurs exemples de ses prédécesseurs, de saint Pie V entre autres, et d’Innocent XI, qui avoient écrit des brefs aux grands ducs de Moscovie. Il résolut de les imiter, et il avertit Bentivoglio qu’il lui en enverroit un incessamment à remettre à ce prince.

Albéroni, qui s’étoit plaint avec tant d’éclat, sous le nom du roi d’Espagne, de la promotion de Borromée, comme vendu aux Allemands, et comme une marque du pouvoir prédominant de l’empereur à Rome, prit un ton tout différent en France, dans la crainte que cette couronne ne se mît en prétention d’un chapeau, en équivalent. Il y devint l’avocat du pape, soutint que le chapeau de Borromée n’étoit qu’une affaire de famille indispensable depuis le mariage d’un neveu du pape avec la riche nièce de ce prélat. Avec ces raisons, Cellamare eut ordre de représenter au régent