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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/14

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Le prince Kurakin, étant à Rome pour la raison qui a été expliquée en son lieu, avoit fait espérer au pape que le czar accorderoit le libre exercice de la religion catholique dans ses États. Le pape crut que Bentivoglio pourroit l’obtenir en parlant au czar ou à ses ministres, mais il voulut que ce fût comme sans dessein qu’il en embarquât la négociation, en parlant de cela à Kurakin, à propos de l’estime qu’il s’étoit acquise à Rome. Les papes, en écrivant aux grands-ducs de Moscovie, ne leur avoient jamais donné de Majesté. Celui-ci ne crut pas devoir être arrêté par des bagatelles. Il énonça toutes les qualités que le czar prenoit, dans le bref qu’il lui écrivit, et qu’il adressa à Bentivoglio pour le lui remettre, au cas qu’il reçût aussi la patente du libre exercice de la religion catholique, à condition toutefois que ce ne fût pas avec celle de la permission d’introduire le schisme grec dans aucun pays catholique, ce qui auroit rendu l’affaire impossible.

Craignant aussi que le peu de temps qu’il restoit au czar à demeurer à Paris fût trop court pour la consommer, il voulut que Bentivoglio lui fit agréer qu’il envoyât un ministre auprès de lui, avec ou sans caractère. Mais il ne crut pas devoir traiter avec ce prince dans Paris, sous les yeux du régent, sans l’informer de ce dont il s’agissoit. Il ordonna donc à son nonce de lui en rendre compte ; mais de ne lui point parler des ordres secrets qu’il lui avoit envoyés de tâcher de lier le czar avec l’empereur, pour faire la guerre aux Turcs. Le nonce s’adressa donc au prince Kurakin, qui lui donna de bonnes paroles, et à qui il dit qu’il avoit un bref pour le czar, où toutes ses qualités étoient énoncées. Il eut une audience de ce prince, mais sans parler d’affaires.

Kurakin lui avoit dit que celle-là devoit passer par Schaffirof, comme vice-chancelier, parce qu’il s’agissoit d’une expédition de chancellerie. Kurakin lui dit aussi que les catholiques jouissoient actuellement de cette liberté en Moscovie, où il y avoit même déjà des maisons de jésuites et de capucins établies à Moscou. Le nonce revit Kurakin et Schaffirof ;