Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/140

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et ne se voyoient jamais plus, tellement que c’est parler exactement que dire que le maréchal de Villeroy étoit le seul roi de Lyon, que le prévôt des marchands y étoit son vice-roi ad nutum, et qu’ils mettoient en poche tout ce qu’il leur plaisoit de prendre, sans le moindre embarras, sans formalité aucune, et sans la moindre crainte d’aucune suite pour l’avenir, ni même qu’on pût jamais savoir ce qui se passoit là-dessus entre eux deux. Il est donc clair que, maître tous les ans de ces prodigieux revenus et de tout le commerce de la plus florissante place du royaume en ce genre, le maréchal de Villeroy prenoit en toute liberté tout ce qu’il vouloit, et qu’en refusant le don que le régent lui vouloit continuer, il ne refusa rien en effet. Aussi ceux de Lyon savoient bien qu’en dire, malgré toute la protection qu’il leur donnoit à tous. Mais pas un d’eux n’osa jamais se plaindre ni branler devant lui sous le dernier règne ; combien moins pendant cette régence, à la posture où se trouvoit leur gouverneur. Son fils, qui l’a peu survécu, soutint encore cette puissance, mais plus faiblement. Enfin le duc de Villeroy d’aujourd’hui en a sauvé de grandes bribes, mais les finances y ont mis la main, et ont fort borné ce pouvoir si pécunieux et si fort illimité.

Le duc de Tresmes ne fut pas si délicat que le maréchal de Villeroy : aussi était-ce un honnête homme qui étoit bien éloigné des mêmes projets. Il eut quatre-vingt mille livres en dédommagement du deuil, dont il devoit et n’avoit pas profité à la mort du roi, où il étoit en année de premier gentilhomme de la chambre.

Le prince électoral de Saxe, catholique dès qu’il étoit à Rome, avec une permission du pape de le demeurer caché, le déclara en ce temps-ci à Vienne, où il étoit allé voyager et voir l’empereur ; le roi de Pologne son père étoit du secret et avoit fort contribué à le faire catholique, pour lui frayer le chemin à lui succéder en Pologne. Mais la mère et l’épouse de ce roi, qui étoient des piliers de leur religion, y