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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/145

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Mais depuis l’affaire du régiment des gardes, il n’y avoit plus guère que de l’extérieur entre eux, et elle me le laissa bien sentir. Je voulus lui persuader de parler elle-même sans l’y pouvoir résoudre. Elle me dit qu’elle mettoit toute sa confiance en moi pour conserver au gouvernement de Flandre, qu’avoit son fils, toute son intégrité. Elle avoit raison, car j’étois fort de ses amis, et on a pu voir que je l’étois intimement de son vertueux mari. Je ne lui dis point ce que je ferois, car je l’ignorois encore, et après toute réflexion faite je crus plus à propos de ne faire rien, dans la connoissance de la faiblesse de M. le duc d’Orléans, qui ne tiendroit jamais, pour un petit garçon de l’âge du duc de Boufflers, à l’audacieuse ardeur du duc d’Elboeuf, soutenue de celle de M. le Grand, dont le fils avoit la survivance du gouvernement de Picardie. J’attendis donc sans dire mot à personne et sans voir depuis la maréchale de Boufflers, que l’affaire se rapportât au conseil de régence, où les chefs ou présidents des autres conseils furent appelés.

Dès que nous fûmes en place, d’Antin mit les papiers sur la table et voulut commencer son rapport. « Un moment, monsieur, » lui dis-je. Et me tournant vers le régent, je lui dis que, s’il le trouvoit bon, il falloit, avant de commencer l’affaire, savoir si au cas que les états d’Artois la gagnassent, M. d’Elboeuf prétendoit distraire du gouvernement de Flandre le pays de Lalleu et le joindre à celui d’Artois, parce que, en ce cas, nous étions plusieurs qui étions trop proches de M. d’Elboeuf pour être ses juges, à commencer par M. d’Antin, son cousin germain, moi, issu de germain, M. le maréchal d’Estrées et d’autres encore.

Ce n’étoit pas que j’ignorasse qu’en ce conseil les parentés ne font rien, parce que devant le roi, qui à tout âge y est censé présent, on n’a que voix consultative pour débattre et l’informer, et que sa seule voix décide, et que sur cette question que le chancelier d’Aguesseau, tout au commencement qu’il le fut, avoit voulu remuer sous prétexte de l’âge