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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/175

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et à ses alliés que cette cour ne fût informée de l’état de la négociation entamée pour la paix du nord.

Le roi de Prusse, irrité de l’infidélité de Goertz, ne songea plus qu’à se lier plus intimement avec le czar. Il résolut d’envoyer un ministre aux conférences qu’on parloit de tenir aux environs de Pétersbourg, où le czar et lui souhaitèrent également qu’il n’y vînt personne de la part de la France, qui traverseroit sûrement le traité si le roi d’Angleterre n’y étoit compris, avec lequel elle s’étoit si étroitement liée, et qu’ils accusoient sans doute de l’avoir averti des propositions que le czar lui avoit faites, qu’on vient de voir être allées par Georges jusqu’à l’empereur : autre ouvrage de l’abbé Dubois, si le fait étoit vrai.

Toutefois, il n’y avoit pas lors un mois que le roi de Prusse avoit exhorté le régent à penser sérieusement à former un parti dans l’empire capable de borner l’autorité de l’empereur ; il avoit offert d’y donner ses soins et ses offices ; il se disoit sûr du landgrave de Hesse et du duc de Wurtemberg ; il travailloit à s’unir plus étroitement au duc de Mecklembourg qui avoit dix ou douze mille hommes ; il espéroit d’y attirer les Hollandois qui vouloient traiter avec lui ; il demandoit à la France de travailler à une harmonie parfaite entre le roi d’Angleterre et lui, chose bien contradictoire à tout le reste. Le landgrave étoit fort lié avec Georges, de l’appui duquel, en Hollande, il espéroit procurer au prince de Nassau, gouverneur de Frise, son petit-fils, la charge de stathouder des Sept-Provinces, et celle de capitaine général au prince Guillaume son fils. Le roi de Prusse attribuoit le défaut d’intelligence entre le roi son beau-père et lui à l’intérêt particulier de Bernsdorff, et croyoit que l’abbé Dubois pourroit terminer ces difficultés particulières ; mais la base de tout ce projet étoit la fin de la guerre du nord ou de celle en particulier du roi de Prusse, pendant la durée de laquelle il ne pouvoit rien entreprendre, et se trouvoit obligé de ménager l’empereur.