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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/183

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démarche. L’incroyable est que l’aventure, l’exil, le retour ont été entièrement ignorés du roi d’Espagne jusqu’à la chute du cardinal. Le marquis n’a jamais voulu le voir ni ouïr parler de lui, pour quoi que ce pût être, depuis qu’il fut revenu, quoique le cardinal fût absolument le maître, dont l’orgueil fut fort humilié de cette digne et juste hauteur, et d’autant plus piqué qu’il n’oublia rien pour se replâtrer avec lui, sans autre succès qu’en recueillir les mépris, qui accrurent beaucoup encore la considération publique où étoit ce sage et vertueux seigneur.

Le roi fut assez mal pour faire son testament, dicté par le cardinal et concerté avec la reine. Personne n’en eut connoissance et ne douta que la régence et toute autorité ne lui fût donnée, avec le cardinal pour conseil. Tout fut en trouble, et peu de gens étoient persuadés que la régence d’une belle-mère du successeur fût reconnue si le roi venoit à mourir, et une belle-mère aussi haïe que celle-là l’étoit de toute l’Espagne, et qui n’avoit d’appuis que le duc de Parme et Albéroni si parfaitement détesté.




CHAPITRE VIII.


Opiniâtreté d’Albéroni contre la paix. — Le pape fait imprimer son bref injurieux au roi d’Espagne, qu’Aldovrandi n’avoit osé lui présenter. — Ce nonce fait recevoir la constitution aux évêques d’Espagne. — Anecdote différée. — Servitude du pape pour l’empereur, qui le méprise et fait Czaki cardinal. — Le pape fait arrêter le comte de Peterborough ; et, menacé par les Anglois, le relâche avec force excuses. — Sa frayeur, et celle du duc de Parme, de l’empereur. — Conseils furieux et fous contre la France de Bentivoglio au pape. — Son extrême embarras entre l’empereur et l’Espagne. — Ses tremblantes mesures. — Le pape avoue son impuissance pour la paix. — Avis à l’Espagne et raisonnements sur Naples. —